Louis Guédet
Vendredi 19 novembre 1915
433ème et 431ème jours de bataille et de bombardement
4h soir Le calme cette nuit. Journée froide qui tente à tourner à la gelée et au beau temps sec. Depuis 2h le canon n’a cessé de tonner au loin et assez proche d’ici vers Taissy et Sillery. Cela reprend fortement en ce moment.
7h soir Le canon tonne toujours formidablement vers Moronvilliers : le plancher de ma chambre en a tremblé presque tout l’après-midi. Répondu à toutes mes lettres et notamment à Émile Français, un bon ami de Maurice Mareschal, et qui je crois en devient un pour moi… En lui écrivant tout à l’heure je lui parlais de ce bon ami, cela me faisait du bien et j’oubliais ma misère.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Nuit tranquille, sauf quelques gros coups de canons. A 2 h. très violente canonnade à l’Est et au loin. Aéroplanes à 3 h. Via Crucis in Cathedrali. Nuit tranquille, mais non pas en ville, surtout jusqu’à 11 h. et surtout à l’Est au loin.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Juliette Breyer
Vendredi 19 Novembre 1915. Mon Charles, j’ai reçu une lettre de Charlotte. Elle a vu Camille Dornique. Il assistait au combat d’Autrèches. Il lui a dit que les boches étaient aux fenêtres des maisons, les civils sur le trottoir, et tiraient sur tout Français qui approchait. C’est en approchant, raconte-t-il, que tu as reçu une balle au front. Il dit qu’il n’en sait pas plus. Mais Dodou, son frère, dit à qui veut bien l’entendre que tu as été tué. Chaque jour qui vient m’apporte une certitude de plus et je n’ose y croire. Si tu voyais ta toute petite, son premier mot en se réveillant, c’est ‘papa’, d’une toute petite voix si douce. A certains moments je voudrais l’appeler Charlotte mais tit frère dit toujours « C’est ma sœur Marie Blanche ». C’est une petite contrariété pour moi. Il me semble que ce nom là ne plait pas complètement à tout le monde. C’est long à dire. Je crains que toi aussi tu penses pareil. Mais pourquoi, quand je leur ai demandé à sa naissance, ont-ils eu l’air content ? Me voyant dans l’impossibilité d’en chercher un, ils auraient dû me le dire. Chez vous on l’appelle Marie tout court. Si je savais vraiment que cela leur déplait, je l’appellerais tout de suite Charlotte.Je suis bête vois-tu mon Charles ; c’est une chose à laquelle je ne devrais pas m’arrêter vu le grand malheur que j’ai. Je crois que je fais un peu de neurasthénie. Tout m’ennuie, je vois tout en noir et je deviens méchante. Oh si tu pouvais me revenir !
Je t’aime tant mon Charles. Mon cœur t’appartient pour toujours.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
Il est possible de commander le livre en ligne
Vendredi 19 novembre
Canonnade dans le bois de Givenchy, en Artois.
Au sud de la Somme (Andéchy, l’Echelle-Saint-Aurin, le Cessier), notre artillerie a exécuté sur les organisations ennemies un bombardement très efficace : un poste allemand a été bouleversé et les batteries ennemies ont été réduites au silence.
Nous avons aussi bombardé très énergiquement les tranchées d’Autrèches, sur la rive nord de l’Aisne.
A l’est de l’Argonne, lutte de mines dans la région de Vauquois et du bois de Malancourt. Un ouvrage allemand a été détruit; un camouflet a bouleversé des travaux souterrains.
Sur le front belge, canonnade intermittente.
Sur le front d’Orient, les Bulgares ont attaqué nos positions vers Kosturino; ils ont été repoussés.
Mais les Serbes ont battu en retraite de la passe de Babouna vers Prilep. L’on croit qu’une grande bataille s’engagera aux environs de Monastir. Des effectifs anglais, avec une forte artillerie, se sont dirigés vers cette ville.
M. Denys Cochin a été reçu par le roi et la reine de Grèce.
Le vaisseau-hôpital anglais Anglia à sombré dans la Manche après avoir heurté une mine. Un vaisseau charbonnier, qui venait au secours de l’Anglia, le Lusitania, a également coulé.
Les Russes ont de nouveau bombardé Varna.
Source : La Grande Guerre au jour le jour