Louis Guédet
Jeudi 25 novembre 1915
439ème et 437ème jours de bataille et de bombardement
8h1/2 soir Journée grise. Parti à 7h du matin à Trigny, arrivé vers 9h. Trouvé le pauvre Trigny de mon cher Maurice Mareschal mis et traité en pays conquis par la (?)ème Division du premier Corps. C’est triste à dire, mais ces messieurs de l’État-major sont des sauvages et des mal-élevés. En arrivant, personne, le vide, en dignes embusqués, jamais personne pour répondre… J’entre dans la cuisine, où je trouve 3 soldats très affairés autour de 2 langoustes !! pour les présenter selon les règles de l’Art culinaire à ces messieurs pour leur déjeuner, à côté côtelettes, etc… etc… Le ventre d’abord et ensuite… la saleté !!… J’ai trouvé une maison si proprette naguère, si léchée, dans un état de malpropreté sans nom. Je fais mon tour, toujours personne. Tout le monde est fort occupé par un travail (?) fort absorbant !! Je visite leurs chambres !! Style soldat, militaire, rien de rangé, pas de lit de fait, etc… Bref je vois nos braves serviteurs, Alix Sohier, Grenier femme du gardien, je déjeune et vers 11h3/4 je ne puis m’empêcher de dire aux Vatels de ces seigneurs que tout est sale !! et ma surprise en même temps que mon indignation. Tout le monde comme je m’y attendais rapporte au chef de la Popote, qui d’un ton supérieur déclare à son sous-verge, sous-off veux-je dire, qu’Ils étaient chez eux et que je n’avais pas d’observations à faire…
L’après-midi je règle nos affaires et avant de partir je prie un des « Vatel » de vouloir bien demander au maître de Céans de vouloir bien me recevoir où et quand il daignera. S’amène un jeune freluquet de capitaine me demandant ce que je voulais. Alors, en insistant sur mes intentions courtoises, je lui ai mis le nez dans toutes ses ordures… Nous nous sommes quittés bons princes, mais j’attends mon prochain voyage pour voir ce qui aura été fait… Tas d’embusqués !!
En rentrant trouvé lettre de ma chère femme enfin, j’avais peur de son silence, croyant à quelque maladie, etc… Trouvé pas mal de dossiers et surtout un dossier Hayon de réquisitions militaires qui n’est pas sans me préoccuper quoique je sois fixé sur la décision que je dois prendre dans mon jugement mais comme il fera peut-être jurisprudence, je veux écrire ma décision et surtout avoir raison. Je vais me renseigner sur ce point, et enfin, juger, tout bien pesé. Je serais heureux d’être approuvé par ma chambre d’appel, et ma foi assez fier de mon succès. Et puis c’est un point de droit à fixer juridiquement pour toute la France. Ce mérite réflexion et conscience.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
jeudi 25 – Nuit tranquille, sauf canonnade assez forte de 9 h. à 10 h. soir.
Visite de M. le Doyen de Saint-Jacques. Tour en ville ; visite de M. Dalerue.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
jeudi 25 novembre
Matinée calme dans l’ensemble du front, sauf en Woëvre, au bois Brûlé, où l’ennemi a lancé des obus suffocants, sans résultat.
Dans l’après-midi, activité d’artillerie en Artois, où la gare d’Arras a reçu une cinquantaine d’obus; dans la région de Loos et de Souchez; du côté de Soissons et en Champagne; en Lorraine, dans les secteurs de Flirey et de Reillon; dans les Vosges, à la Tête-de-Faux, et à l’Hartmannswillerkopf. Nos batteries ont partout riposté et gardé l’avantage.
Les batteries belges ont dispersé des travailleurs, canonné des tranchées et des postes d’observation.
Les Russes ont remporté des succès sur le Styr, et il se confirme, d’autre part, que les Allemands ont subi de très fortes pertes dans la région de Dwinsk.
Les Italiens ont capturé un certain nombre de prisonniers sur l’Isonzo.
Les Serbes ont quelque peu amélioré leurs positions et les Bulgares ont suspendu leurs attaques dans la région de Monastir.
La Grèce a accueilli favorablement, dans l’ensemble, la remise de la note des alliés.
Source : La Grande Guerre au jour le jour