Louis Guédet

Samedi 6 novembre 1915

420ème et 418ème jours de bataille et de bombardement

8h soir  Journée calme, froide et couverte. Fort occupé. Déjeuné aux Galeries Rémoises avec Tricot, Curt, Bourelle, Mmes Donneux, Lemoine et l’économe. Toujours aussi charmants.

Vu le curé de la Cathédrale pour la messe de Mareschal le 22 courant, je fais paraitre un avis (messe pour l’anniversaire de la mort de Maurice). En revenant rencontré un nouveau régiment, le 340ème, avec drapeau et musique, bourguignotte en tête, qui descendait la rue Libergier pour relever un des régiments de la 52ème Division qui quitte Reims, pourquoi ? on ne sait. La rumeur publique attribue ce départ soit au Cardinal Luçon ou au maire M. Langlet qui aurait demandé ce changement à cause de la conduite des officiers !!!???…

J’estime que c’est la suite de l’affaire du mardi 19 octobre 1915 à l’attaque des Marquises où aucun officier n’était dans les tranchées. Qu’allons-nous avoir ?  Je ne sais, mais je crois que nous ne pouvons avoir pire que ceux qui partent, qui étaient détestés de tout le monde, surtout comme officiers.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Paul Hess

6 novembre  – Dans Le Courrier, nous pouvons lire ce court article :

Le sourire.

Un bon vieil ami du journal, qui a quitté Reims où ne le retenait aucun devoir impérieux, marquait l’autre jour un peu de surprise de la façon dont nous avons rendu compte de cer­tains bombardements.

Il s’étonnait de « voir traiter un sujet aussi sérieux dans un style aussi badin ».

N’est-ce point le cas de lui répondre par le mot célèbre de Figaro : « Il y a des choses dont il faut se hâter de rire pour ne pas être obligé d’en pleurer ».

Eh oui ! les Rémois ont parfois le sourire, après les bom­bardements, lorsqu’ils ne causent que des dégâts matériels.

Où en seraient nos concitoyens, après treize mois de l’existence angoissante qu’ils mènent, s’ils ne s’égayaient pas de temps en temps, en prose et en vers, du principal fait-divers de la chronique urbaine.

Les gazettes rédigées par les troupiers du front ne passent pas pour engendrer la mélancolie. Pourquoi ce qui est permis aux soldats serait-il interdit aux civils ?

Le jour où les canons boches tueraient complètement la saine gaîté française dans notre ville, ce serait autrement grave, pour le moral et la force de résistance de la population, que le fait d’avoir creusé quelques trous de plus dans les chaus­sées et les maisons.

Oui, cela fait voir que l’on ne saurait comprendre au de­hors, comment nous vivons actuellement à Reims, dans des alternatives d’épouvantele plus souvent —- et quelquefois de belle humeur.

Les premiers obus ont été suivis de beaucoup d’autres — par milliers ; les derniers arrivés n’ont pas fait oublier les premiers et cependant, nous ne sommes pas continuellement sous la seule pensée des bombardements parce que nous avons le ferme espoir de voir survenir l’événement devant amener la fin des misères passées ou présentes, et cela permet tout de même de plaisanter à l’occasion.

— La 52e division de réserve quitte Reims et ses abords. Cette division, arrivée dès septembre 1914 — le 17 ou 18 — se composait des 245, 291, 320, 347 et 348e d’infanterie, du 49e bataillon de chasseurs à pied et du 58e parti depuis en Serbie, de batteries d’artillerie des 17e, 29e et 42e.

Les régiments s’en vont, depuis hier, à tour de rôle. Ils sont remplacés par ceux de la 30e division, formée en grande partie de soldats originaires du midi.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Samedi 6 – Nuit tranquille, sauf quelques gros coups de canons. Dans la matinée de 9 h. à 10 h. gros coups de canons, bombes allemandes contre nos batteries. Circulaires des autorités militaires, contre les recommanda­tions en dehors de la filière hiérarchique. Reçu coupe-papier fait avec un obus, du Lieutenant Millac, apporté par un brave petit soldat. Mgr Luzzani vient dîner. A 4 h. 1/2 aéroplanes français volant très bas.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

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Samedi 6 novembre

Actions d’artillerie en Artois, particulièrement dans le secteur de Loos. Violents combats en Champagne. Deux attaques allemandes, appuyées par des jets de liquide enflammés, ont été brisées devant la Courtine. Au cours d’attaques ultérieures, l’ennemi a pu pousser quelques éléments dans notre tranchée de première ligne à la cote 109. Partout ailleurs il a été tenu en échec. Une de nos mines à détruit un blockhaus allemand à la Chapelotte (Vosges). En Alsace, nos avions ont bombardé, à Dornach, une usine de gaz suffocants. En Serbie, nos troupes ont enlevé les ponts de la Cerna, près de Krivolak, et refoulé toutes les tentatives bulgares. Près de Rabrovo, elles se sont emparées de deux villages; elle ont attaqué les crêtes frontières. Les combats entre Russes et Allemands continuent autour de Dwinsk, à l’avantage de nos alliés. Le roi de Grèce a nommé aide de camp attaché à sa personne le ministre le la Guerre renversé par le parti venizeliste. On croit qu’il rappellera M. Zaïmis au pouvoir et dissoudra le Parlement. L’agitation interventionniste prend de nouveaux développements en Roumanie. La Chambre allemande refuse de convoquer le Reichstag.

Source : la Grande Guerre au jour le jour