Louis Guédet
Jeudi 4 novembre 1915
418ème et 416ème jours de bataille et de bombardement
8h soir Nuit de canon. Journée fort occupée. Je ne sais comment l’organiser et la rappeler en ma tête.
Hier j’ai quitté mes aimés, qui souffrent là-bas.
Hier soir en arrivant à Pargny un embarras avec la voiture qui m’attendait. Le cocher, à moitié ivre, en voulant traverser la voie a fourré sa voiture de guingois entre un entrelacs de rails et s’était bloqué de telle façon que ni cheval ni voiture ni homme ne pouvait avancer. Heureusement que deux artilleurs, de l’artillerie lourde s’il vous plait, comme l’un d’entre eux me le fit remarquer conquièrement (de façon conquérante…), s’attelèrent à l’attelage qu’ils enlevèrent comme une plume. Bref, cahin-caha je rentrais à Reims après un voyage de 1h1/2 pour faire 7 kilomètres !!
Aujourd’hui travail d’arrache-pied, mis correspondance, dossiers, notes au courrier. Vu M. Langlet, Maire, pour le transfert des valeurs du Docteur Lévêque, de Tony-aux-Bœufs, son beau-frère à Épernay. Ce sera pour la semaine prochaine. Vu de Bruignac pour une question de réquisition, dommage ou cantonnement, question fort délicate. J’ai bien peur qu’il ne se trompe sur l’interprétation de l’article 1er du §2 du décret du 4 février 1915, qui dit : dommages, réquisitions quant il s’agit de cantonnement et pillage de guerre : dommages réglés comme indemnité. Je crois qu’il tombe sous le coup de la seconde interprétation (pillage) et non (dégâts). Je vais voir le Président du Tribunal pour lui demander s’il interprète comme moi ce texte, et le cas de M. de Bruignac. D’autre part je vais tâcher de rapprocher ce dernier avec le sous-intendant militaire pour causer et pouvoir s’organiser à arriver à une entente.
Journée fort remplie. Le canon a tonné formidablement au loin vers l’Est. Massiges, Tahure. Dormirai-je tranquille ??
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Nuit tranquille, sauf quelques gros coups de canons. Bombes sur Saint-Benoît. Visite rue Saint-Thierry, aux Sœurs de l’Espérance et aux soldats du Bain-de-pieds. Visite aux Sœurs du Saint-Sauveur, 163 rue du Faubourg Cérès. Vers 6 h. violente canonnade à l’Est. Visite au Petit Séminaire avec M. Dardenne. Reçu télégramme par la poste comme une lettre le 4 novembre.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Nous avons bouleversé sur la somme, près de Frise, d’importants travaux de mines ennemies. Lutte d’artillerie et d’engins de tranchées dans le secteur de Beuvraignes.
En Champagne, les Allemands, après un bombardement d’obus suffocants, ont tenté d’aborder nos positions du Sud de la ferme Chausson (près de Massiges). Ils ont été partout repoussés, hormis de quelques éléments de tranchées avancées à la cote 199. Leurs pertes ont été lourdes.
Dans les Vosges, notre artillerie a tiré efficacement sur les tranchées et ouvrages ennemis de la région du Violu.
Les Bulgares marchent de Velès sur Perlepe, mais ils ont été arrêtés par les Serbes dans les défilés du massif montagneux.
Le cabinet Briand s’est présenté devant le Parlement. Il a lu sa déclaration et a obtenu un vote de confiance à l’unanimité.
Les manœuvres pacifistes que l’Allemagne tente dans différentes capitales neutres ont piteusement avorté.
Les journaux allemands continuent à dénoncer le manque de vivres et reprochent au gouvernement l’insuffisance des mesures adoptées par lui.
Source : la Grande Guerre au jour le jour