Cardinal Luçon
Nuit tranquille. Visite à l’ambulance Mencière. Reçu par M. Augias, conduit par M. Dennal, 50 suffoqués au moins gravement atteints. Colonel X m’a dit que dans la moitié de l’action la plus voisine de nous, il y avait eu 300 à 400 suffoqués, dont 27 décès. Dans l’autre moitié, 3000 atteints, et un nombre de décès que je n’ai pas retenu. M. Debreck nous a dit 250 décès en tout le combat et la 2e division ; du côté de l’ennemi, au moins 1000 morts et 5000 gros blessés. Visite de 10 h. 1/2 à 11 h. 1/2 à l’ambulance Cama : 50 malades environ, plus graves qu’à Mencière. Accueil excellent des deux côtés comme hier et remerciements chaleureux. Photographie à Cama. Un prisonnier allemand, à qui on disait : « Comment avez-vous osé vous servir de gaz asphyxiants ? C’est contre le Droit international » – a répondu : « Ce sont les Anglais qui ont commencé. » Visite à M. le Curé de Saint-André.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Juliette Breyer
Samedi 23 Octobre 1915. Les boches essayent d’entrer dans Reims. Ils ont attaqué deux fois. Tout cet après-midi c’était épouvantable. Les fusils, les mitrailleuses, tout marchait. Un bruit d’enfer. Si seulement c’était notre délivrance. Les agents de liaison viennent de passer près de nous. Ils disent que c’est près de la Pompelle. Ils nous ont envoyé des gaz asphyxiants mais jusqu’ici ils n’ont pas avancé. Notre artillerie en a tué beaucoup. Ils sont à notre première tranchée mais ils n’ont pas pu y pénétrer. Peut-être cela finira-t-il tout de même.
J’ai écrit à un employé de chez Mignot pour lui demander quelques conseils. Je voudrais tant retravailler. On trouve le temps encore plus long.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
Il est possible de commander le livre en ligne
Samedi 23 octobre
Nous arrêtons net des tentatives d’attaque ennemies aux environs de Lombaertzyde, en Belgique.
Une attaque allemande a été repoussée devant les saillants du fortin de Givenchy, une autre dans la vallée de la Souchez.
Notre artillerie a bombardé les tranchées et cantonnements ennemis, entre l’Avre et l’Oise.
Canonnade violente en Champagne (ouest de Tahure, est de la butte du Mesnil, Ville-sur-Tourbe). Nous avons maîtrisé le feu de l’ennemi par celui de nos batteries.
Nos avions ont bombardé le parc d’aviation allemand de Cunel, entre Argonne et Meuse.
Les Russes ont capturé 148 officiers et 7500 hommes, près de Tarnopol (Galicie).
Les flottes alliées ont bombardé Dedeagatch et Porto-Lagos (côte bulgare de l’Égée).
La Grèce a refusé les offres conditionnelles que lui faisait la Quadruple Entente.
Un sous-marin allemand a attaqué un submersible suédois. La Suède a protesté à Berlin.
On signale des désordres graves en Bulgarie (Stara-Zagora et Yamboli).
Source : la Grande Guerre au jour le jour