Louis Guédet
Jeudi 23 septembre 1915
376ème et 374ème jours de bataille et de bombardement
6h1/4 soir La nuit du canon, un de nos dirigeables survole Reims vers minuit. Calme toute la journée jusqu’à 4h. J’étais allé voir le Procureur de la République pour lui remettre ses bons de versements d’or à la Banque de France, de là j’avais poussé jusqu’aux Palais quand en redescendant la rue du Cadran St Pierre j’entendis des bombes siffler. Je m’arrêtais chez Ravaud, le pharmacien, il était 4h1/4. J’y restai 1/4 d’heure puis je repris la rue de l’Étape, la place Drouet d’Erlon, la rue St Jacques, la rue des Capucins quand, après avoir traversé la rue Libergier, en face de mon ancienne maison 37, rue Libergier, j’entends des bombes resiffler assez près. Melle Payard (à vérifier) était sur la porte de chez Morgen au 29, elle me crie d’entrer et là je descendis avec elle dans la cave de Morgen, cave sèche et sûre. J’y restais jusqu’à 5h20. Le bombardement qui visait ce quartier-là ayant cessé. Je rentrai rapidement chez moi 52, rue des Capucins où je trouvais tout le monde à la cave. C’était fini et nous remontons. Que ces séances sont fatigantes, énervantes !!
Que sera cette nuit, pourvu qu’elle soit tranquille, quelle triste vie, misérable et en être à demander, à désirer une nuit de tranquillité, de repos et dire que voila 1 an que cela dure. Quel martyre !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Bombardement à plusieurs reprises, dans le courant de la journée.
Après-midi, séance très sérieuse, commencée à 16 h 1/2 et qui dure jusqu’à 17 h 1/4. Deux hommes qui s’étaient réfugiés à ce moment sous la porte de la cour du Chapitre, rue Carnot, afin de s’abriter comme ils pouvaient, sont tués par les éclats d’un projectile tombé derrière l’immeuble de la Société Générale.
- Lorsque je rentre du bureau, le soir, je m’aperçois qu’une maison de la place Amélie-Doublié a été touchée par deux obus.
- Une pièce marine, qu’on dit être de 305 et baptisée la grosse Julie, bombarde ce jour la gare de Bazancourt. Ses départs produisent des déplacements d’air tellement puissants, que le papier huilé des fenêtres de notre bureau de la « comptabilité », à l’hôtel de ville, nous semble bien près de céder au souffle qui le fait vibrer fortement à chaque coup, — et cette pièce est installée à Courcelles.
<>-Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Le mortier Škoda de 305 mm (également appelé M.11) était une arme de siège fabriquée par les usines Škoda à l’attention de l’ Armée austro-hongroise qui fut utilisée par son alliée allemande
Cardinal Luçon
Jeudi 23 – Nuit tranquille. Vers minuit, bombes nombreuses. Matin : aéroplanes allemands et français. Après-midi : ballon captif, aéroplanes.
1 h. 1/2, bombes sifflent. 2 hommes tués, cour Chapitre ; ailleurs aussi et des victimes. Visite du R. Père Dargent.
Caviars dans mon allocution de dimanche. Bombardement, nous descendons à la cave. Église Saint-Jacques, trois obus. Trait de la messe de M. Blain : 1er obus vers l’Offertoire, milieu de l’église : il continue la messe à laquelle assistent 7 ou 8 personnes blotties derrière les pilastres et qui ne bougent. 2eme, vers l’Elévation : tous tiennent bon ; 3ème à Fax Domini. Tout le monde resté ferme. M. Blain se communie et communie les assistantes : celles-ci ayant ce qu’elles voulaient, se retirent ; et lui rentre à la sacristie. Admirable !
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Juliette Breyer
Jeudi 23 Septembre 1915. Un an aujourd’hui que tu as été blessé et que ta destinée a changé. Un an que je pleure sans cesse et que je désespère chaque jour. Sur les journaux il y a encore des convois de grands blessés qui reviennent. Si je pouvais avoir la joie que tu sois dedans ! Je me fais l’idée que j’aurai peut-être une lettre demain. Je serais capable d’en venir folle de joie. Car si tu me voyais… Je maigris de jour en jour et je crois que j’aurai bientôt des cheveux gris. Je me sens descendre tous les jours et je ne peux pas remonter.
Tu serais si heureux de voir tes deux petits. Ta fillette dit maman maintenant. Pauvre crotte, elle est rieuse et André en est fou. « Ma tite sœur Blanche » dit-il et il se met en colère quand je lui dis qu’on l’appellera Charlotte.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
Jeudi 23 septembre
Canonnade à Boesinghe en Belgique. Grande activité d’artillerie, avec vives fusillades, au nord et au sud d’Arras, ainsi qu’entre Somme et Oise.
Bombardement violent, au nord de l’Aisne, dans la région de Ville-aux-Bois, où nous avons contraint l’ennemi à nous céder un poste fortifié.
Canonnade réciproque en Champagne. Nous détruisons une patrouille ennemie.
Action d’artillerie intense en Argonne, sur la lisière occidentale, et dans la région de la Haute-Chevauchée.
Sur les Hauts-de-Meuse, au nord-ouest du Bouchet, nos batteries ont provoqué une explosion dans les lignes ennemies. Canonnade en forêt d’Apremont, en Lorraine et dans les Vosges.
A titre de représailles, nos avions ont été bombarder Stuttgart, jetant une trentaine d’obus sur le palais royal et sur la gare. Ils ont pu revenir indemnes dans nos lignes.
Huit autres avions ont opéré au-dessus de la gare de Conflans, entre Verdun et Metz.
Les combats entre Allemands et Russes se poursuivent avec violence autour de Dwinsk. Nos alliés ont fait encore 2000 prisonniers de plus en Volhynie et en Galicie.
La négociation de l’emprunt franco-anglais, à New-York, paraît être en excellente voie.
Source : la Grande Guerre au jour le jour