Louis Guédet
Mercredi 15 septembre 1915
368ème et 366ème jours de bataille et de bombardement
8h matin Toute la nuit le canon a grondé devant Reims et vers Aubérive. Sans résultat, sans doute, comme toujours. Faire tuer des hommes un peu épars voilà la mission de nos illustres stratèges devant Reims, c’est honteux. Ce matin il pleut avec quelques éclaircies. Journée maussade qui se prépare.
Je vais à mes allocations tout à l’heure. Je repasserai rue de Talleyrand pour préparer de voir pour Jolivet demain. Je suis un peu gêné et honteux de recevoir ce brave Jolivet ici dans le bureau de mon pauvre ami, mais je ne puis faire autrement. Je m’étais cependant promis de ne recevoir personne ici tant que j’y serais réfugié, par respect pour la mémoire de Maurice. Qu’il me le pardonne !
6h1/2 soir nuit presque blanche à cause de la canonnade devant Reims. Pluie lourde et chaude, qui passe dans la matinée. Journée calme malgré le canon lointain cette fois. Présidé les commissions d’allocations militaires à l’Hôtel de Ville, grande salle du conseil municipal, comme toujours. Cet après-midi vu Marcel Heidsieck, fils de mon ami Charles Heidsieck, venu en passant pour passer une révision de réforme provisoire à Châlons-sur-Marne. Causé longuement. Il me contait que parait-il, à Charleville toutes les usines avaient été vidées de leurs matériels et machines par les allemands. L’usine de sa grand-mère Jacquemart est démontée. S’il est encore là vendredi il dit venir partager mon déjeuner.
Voilà ma journée ainsi passée et terminée par un tour rue de Vesle jusqu’au pont tournant du canal, longé le point où sont coulées les péniches abandonnées par leurs propriétaires et remonté la rue Boulard pour rentrer dans mon refuge d’hospitalité. Peu de monde dans les rues bien entendu. Demain journée qui sera sans doute bien remplie avec Jolivet pour l’aider dans tout ce qu’il aura à faire durant sa courte apparition.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Mercredi 15 – Nuit tranquille ; mais canonnade courte et violente au loin.
Item toute la matinée. Visite de M. Piel de Chercheville qui est entre Craonne et Berry-au-Bac.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Mercredi 15 septembre
Lutte d’artillerie toujours vive sur le front d’Artois, au sud de la Somme (Tilloloy, le Cessier, Beuvraignes); dans le secteur de Nouvron, sur le canal de l’Aisne à la Marne vers Sapigneul et le Godat; en Champagne, au nord du camp de Châlons et sur la lisière occidentale de l’Argonne.
Au bois de Mortmare, nous avons fait cesser le feu des mitrailleuses ennemies et exécuté des tirs efficaces sur des saillants de la ligne allemande.
Canonnade encore en forêt d’Apremont, au nord de Flirey et près d’Emberménil.
Un raid de zeppelins sur l’Angleterre est demeuré infructueux. L’amiral sir Scott a été chargé de la défense de Londres contre les aéronefs.
Les Italiens ont largement progressé dans le bassin de Plezzo, sur l’Isonzo. Ils ont repoussé une attaque près de Plava.
Les Russes ont rejeté toute une série d’offensives allemandes dans les secteurs septentrionaux de leur front. Ils ont culbuté les Austro-Allemands sur le Sereth.
Le docteur Dumba, ambassadeur d’Autriche à Wahington, dont M. Wilson a demandé le rappel, s’embarquera, dit-il, prochainement pour l’Europe.
Source : La Grande Guerre au jour le jour