Louis Guédet
Mercredi 14 juillet 1915
305ème et 303ème jours de bataille et de bombardement
9h soir 14 juillet 1915. Fête nationale !! Triste fête. C’est le canon de l’ennemi qui nous l’a annoncé !! Bref, triste, morne et lugubre journée !!
Je suis rentré hier soir (7h) de Suisse. Tout triste, tout endolori, par la suite je donnerai dans ces notes mes impressions sur nos amis les neutres. Ce serait intéressant à développer si on avait le temps. Trouvé une lettre (enfin) de ma pauvre femme ! Repris ma vie de reclus et de martyr !! Mon (rayé) bien entendu ne m’attendait pas sur le seuil de mon logis : ce ne sont que des ruines ! et pour ce (rayé) la vue de ruines trouble sa… lourde… digestion ! Passons il y en aurait tant à dire depuis (rayé) qui tombe… urbi et orbi que je suis … (rayé) avec la… (rayé)… et avec un kimono (cela fait si bien dans un salon de Paris). « C’est bien malheureux !!… (rayé) suis toi (rayé) … !! »
Hier soir dans la nuit (10h) bombes et obus loin. Rien de changé dans la situation de notre malheureuse Ville, qui devient de plus une Ville de rêve… …une ville « à la Gustave Doré ».
Comme Angkor je ne désespère pas d’y voir pousser dans les rues et les (palais) appartements luxueux : des herbes folles, des arbustes… et… des chênes !… C’est la Ville Morte !
Quand enfant je rêvais sur les gravures et dessins des châteaux en ruines fantastiques des livres de Jules Verne ou des Contes de fées de Perrault, je ne pensais pas que 40 ans plus tard j’en verrai la réalité !!
Je voudrais que mes Petits voient cela !! Quel livre de réalité à feuilleter pour de jeunes imaginations !!
Me voilà rentré !! le piège du sépulcre s’est refermé sur moi et mes ruines avec un bruit sourd de canon !
Trouvé un courrier formidable depuis mon départ de plus de 80 lettres (à répondre) sans compter les notes du Parquet et les notes de services de justice de Paix pour mes 4 cantons !! J’ai déblayé et ce soir je puis dire : « Que ma journée n’a pas été perdue !! » Demain je n’aurai plus qu’à répondre aux lettres de mes chers aimés, ceux qui n’oublient pas le « solitaire ! (notarial) », l’abandonné, le bouc émissaire qui reste « quand même ! » face à l’ennemi ! au Front ! Oui mes chers amis, je vous répondrai demain longuement, cordialement, en soldat sur le front ! Jolivet, Dagonet, abbé Andrieux, Schültz, et … vous me comprendrez et … vous m’aurez consolé… en vous écrivant !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Nuit tranquille ! matinée tranquille. Retour de M. Compant. Consulter Mgr d’Arsinoé, M. archevêque, M. Compant sur l’opportunité d’une lettre… 3 h, bombes sifflantes
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Juliette Breyer
Mercredi 14 Juillet 1915. La fête nationale, triste cette année. On nous avait prédit que nous aurions une mauvaise journée et que nous serions bombardés. C’est pour cela que j’avais refusé à ton papa d’aller près d’eux à Sainte-Anne. Quand tu reviendras je suis sure que tu m’approuveras d’avoir pris des précautions. Ta maman n’est jamais sortie. Elle ne sait pas ce qui se passe dans les rues.
Mais la journée n’a pas été trop mauvaise. Il y a eu quelques bombes. Ce n’est pas comme dans la direction de Berry au Bac ou de Soissons. Si tu entendais depuis quatre jours le roulement du canon. C’est épouvantable. Cela me resserre le cœur d’entendre cela.
Voilà le 14 juillet mais toi, comment l’aurais-tu passé ? Mon pauvre Lou, si seulement l’année prochaine nous étions réunis.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
Il est possible de commander le livre en ligne
Renée Muller
le 14 juillet toujours canonnade du côté de Soissons, (à 65 km de St Léonard)
Renée Muller dans Journal de guerre d'une jeune fille, 1914
Mercredi 14 juillet 1915
Les Allemands bombardent les lignes françaises et britanniques en Belgique, en usant de gaz asphyxiants.
Ils tentent une attaque devant le « Labyrinthe », mais les assaillants sont décimés et rejetés. Dans le même secteur d’Arras, canonnade très violente. Arras même est à nouveau bombardé.
En Argonne, l’armée du kronprinz reprend l’offensive depuis la route Binarville-Vienne-le-Château jusqu’à la région de la Haute-Chevauchée, en subissant un nouvel échec; l’attaque a été menée en force, presque cinq régiments différents ont déjà été identifiés. Notre ligne a été maintenue telle quelle après diverses oscillations.
Canonnade entre Meuse et Moselle, dans la forêt d’Apremont et au bois Le Prêtre. Nous gagons du terrain entre Fey-en-Haye et la forêt, par des combats à la grenade.
Dans les Vosges, nous arrêtons une offensive allemande sur la Fecht.
A l’ouest de Varsovie, les Russes continuent, ayant achevé leur contre-offensive, ils ont occupé les positions qui leur avaient été indiquées sur la rive droite de l’Ourjenodvka. Sur le Bug supèrieur, ils dispersent une attaque, en infligeant de sérieuses pertes à leurs agresseurs. Même résultat sur la Zlota-Lipa.
Dans la prequ’île de Gallipoli, les alliés occupent deux collines dominant Krythia.
On apprend qu’aux Etats-Unis les germanophiles ont commis un attentat contre l’ambassadeur d’Angleterre.
Source : La guerre au jour le jour