n39 – Mardi 27 avril 1915
Bien chère Maman,
comment allez-vous ?
Maintenant, nos pièces sont en batterie et moi ainsi que les chevaux, nous sommes en arrière, comme à Euville.
Je suis à l’abri des balles et des intempéries.
Je suis en bonne santé et pense qu’il en est de même pour vous.
Nous sommes aux environs d’Arras dans le Pas-de-Calais.
Ici, le vent du Nord souffle très fort, et je ne sais pas comment les maisons tiennent debout car elles sont toutes faites de terre et de paille.
Pour l’eau, il faut aller la chercher à la source à 50 ou 60 mètres de profondeurs.
M’avez-vous écris au secteur n96 qui était le dernier que je vous ai donné sur ma carte n38 ?
Avez-vous reçu toutes mes lettres et cartes ?
Numérotez les vôtres, faite comme Mélanie avait commencé à faire.
Nous sommes sans nouvelles et je crois que la correspondance a été suspendue pendant quelques jours à cause des mouvements de troupes.
Je vous embrasse bien fort,
votre fils qui vous aime.
Georges
Ro :
Voici le numéro de mon nouveau secteur n135.
Il faut toujours m’écrire au numéro du dernier secteur que je vous donne.
En venant ici, je suis passé par Épernay et dans
une autre ville située à 8 km de Paris, de là, j’ai envoyé une carte à Fauque,
un gros baiser.
Georges
Cette fois-ci, nous avons droit à une vue d’Épernay… et postée d’Arras, comme on l’apprend dans le texte.
Il semblerait que le pauvre Georges effectue un périple un peu contraignant, au rythme des déplacements et des changements de secteur.
On sait que ces cartes et cette correspondance sont les liens privilégiés entre ceux qui sont au front et les familles restées à l’arrière, et on l’espère, à l’abri des horreurs.
Mais ces liens paraissent bien difficiles à maintenir avec ces incessants déplacements, sans compter les éventuelles suspensions de distribution… c’est la guerre !
Écrire et recevoir du courrier rassure et occupe l’esprit…. mais les périodes de silence, doivent mettre le cerveau à l’envers, à ressasser les possibles raisons, et imaginer le pire.
Et pour éviter les « coupures », Georges donne des conseils, toujours bien envoyer au dernier secteur mentionné, et numéroter chaque carte.
Ils sont nombreux à le faire, on retrouve une telle numérotation sur un grand nombre de ces cartes-témoignages.
Le bâtiment sur la carte postale, vue générale d’Épernay, est l’École de Viticulture Moët et Chandon (route de Mardeuil).
En 1899, deux frères, Raoul et Gaston Chandon de Briailles, décident de créer à Hypernova la première École Pratique de Viticulture (qu’ils nommèrent « Fort Chabrol »).
Les buts premiers étaient de développer la recherche scientifique sur le greffage pour combattre les dégêts du phylloxera et transmettre cette nouvelle technique aux vignerons champenois.
Aujourd’hui, l’école devenu musée :
Quelques cartes de l’Ecole de Viticulture en activité, avant guerre :