J’ai eu le bonheur de recevoir un mél de Jackie MANGEART, commissaire de l’exposition de Warmeriville sur la guerre 14-18, me proposant d’utiliser les lettres de Juliette Breyer pour compléter notre blog. Elles s’inscrivent parfaitement dans notre travail de publication au jour le jour de journaux de rémois restés à Reims pendant la guerre.
Dans tous les jours à venir, vous pourrez lire les lettres adressées à ce soldat mort depuis septembre 1914.
Petit à petit, je complèterai également les articles déjà publiés. J’en suis actuellement au 1 février 1915.
Ci-dessous la préface l’Alain Moyat, journaliste à L’Union-L’Ardennais :
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville, a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.
La fleur au fusil.
Né en 1887 à Reims de parents Luxembourgeois, Charles Breyer, caviste, marié à Juliette, ont un petit garçon, André quand le 4 août 1914 il part à la guerre au 354e régiment d’infanterie. « Nous allons leur donner une bonne correction et dans six semaines nous sommes de retour. » Son épouse qui tient une succursale Mignot, rue de Beine (rue H. Barbusse aujourd’hui) guette chaque jour le facteur et écrit tous les jours à son Charles adoré pour lui raconter la vie rémoise.
Invasion des Prussiens début septembre, explosions de ponts, elle va souvent se réfugier dans les caves Pommery alors que Charles combat à Bussy. Si la ville est reprise par les Français, elle ne va pas cesser d’être bombardée à intervalles réguliers, occasionnant bien des destructions de maisons et de morts civils.
Les affaires marchent car les soldats français viennent chercher du sucre, du chocolat et des sardines. Juliette lui dresse la liste des morts de leurs relations, lui parle des canons installés à la ferme Demaison au coin de sa rue et qui tirent jusque 21 coups sans arrêt. Le 17, elle voit brûler sa maison. « On ne voit même plus de trace de meubles. Le 22, elle voit rue de Beine un artilleur du 22e régiment mort depuis trois jours et personne pour l’enterrer. « Bien propre encore. La figure bien reposée. Les mains croisées, il est couché sur un matelas. »
Un pressentiment.
Dans une lettre datée du 24 septembre 1914, Juliette se confie : « Mon pauvre Lou. J’ai fait un rêve cette nuit. Est-ce un pressentiment ou mon cerveau qui travaille. Je te voyais seul sur un champ de bataille, blessé sans doute et ce qui m’a réveillé c’est parce qu’à mes oreilles j’ai entendu distinctement Juliette plusieurs fois. Je n’ai pas pu me rendormir car c’était bien ta voix que j’avais entendue. Peut-être as-tu couru quelque danger ? »
Les jours passent. Juliette raconte la vie rémoise, les soldats tués au Moulin de la Housse. La Poste qui ne distribue pas dans les quartiers dangereux. Elle reçoit des lettres datées du mois d’août et du 14 septembre.
Le 21 elle lui annonce qu’elle est enceinte. À la mi-octobre, première peine. Elle apprend de la bouche d’une vieille fille que son Charles aurait été blessé. L’information est confirmée le lendemain dans un café par des soldats du 354e. Charles aurait été blessé à la tête à Beaumont-sur-Oise et son copain Charles Nalisse aurait été tué. Son beau-père l’évite. Elle écrit au Ministère de la guerre.
Le 4 novembre elle entend au Comptoir français rue du Barbâtre que son mari est bien mort. Elle n’y croit toujours pas, écrit à la Croix-Rouge. Rêve de son mari et le voit à chaque fois « avec une figure sans expression ».
C’est en décembre 1914 qu’une lettre d’un lieutenant du régiment de Charles Breyer lui confirme la mort du caporal Breyer « tué glorieusement d’une balle dans la tête au front à l’attaque du village d’Autrèches dans l’Oise. Il fut brave entre tous et a donné le bel exemple de courage. »
Mais Juliette n’y croit pas. Ne veut pas y croire bien que ses lettres lui reviennent.
Elle accouche le 13 janvier 1915 d’une petite fille qu’elle appelle Marie-Blanche du prénom de ses deux grand-mères mais que son papa ne verra jamais. Son magasin ayant été pillé, Juliette doit se dépatouiller toute seule avec Mignot qui ne veut pas l’indemniser totalement. Pour le reste elle consulte des voyantes qui lui disent que son mari est toujours vivant. Elle écrit au Ministère des affaires étrangères si des fois il était prisonnier.
Elle fait mettre le nom de Charles Breyer dans le Petit parisien. Et reçoit la lettre d’un père qui a un fils qui s’appelle aussi Charles Breyer et dont il n’a plus de nouvelles. L’espérance est sa seule raison de vivre.
Elle est brisée le 23 février 1917 par un courrier officiel du Ministère de la guerre apporté par un agent de police qui lui annonce que son mari est bien tombé au champ d’honneur. Juliette partira tenir un Comptoir français dans la commune de Vernouillet (Seine-et-Oise).
Il est possible de commander le livre en ligne