Nous profitons de la Saint-Valentin pour diffuser ces quelques courriers, que Louis a écrit dans cette même période, à sa chère petite femme chérie.
On constate que ces échanges sont très réguliers… normal ! ce contact est primordial et permet de se « remonter le moral », de garder ce lien qui permet à la fois de prendre des nouvelles de l’être aimé, de la famille, et de garder à chaque moment l’espoir de vite revoir ses proches. Ce n’est pas tant le contenu qui est important, que de savoir si tout va bien.
On peut imaginer le drame, lorsque ce flot régulier de correspondance vient à s’arrêter, pour une raison tragique ou pas… et rester dans le doute, la crainte… d’apprendre une mauvaise nouvelle.
Ces quelques cartes faisait certainement partie d’une grande série envoyée par Louis Galette à son épouse durant la Grande Guerre. Hélas, les hasards de la diffusion auprès de multiples cartophiles, fait que seulement 6 de ces cartes nous sont parvenues. Qu’importe, elles restent un témoignage aussi poignant qu’émouvant qui nous fait réfléchir sur ce que devait être la vie des familles séparées, et ce poids insoutenable de toujours s’attendre au pire.
Comme d’habitude, vous trouverez en regard de ces courriers le recto de la carte correspondante… des cartes de Reims défigurée.
Samedi 15 janvier 1915 – 8h du soir.
Ma petite femme chérie bien aimée.
Je fais réponse à ta lettre reçue ce soir du 13 avec Grand Plaisir.
Tu me dis que le temps dure plus que la première fois, il n’y a pas que toi mon petit lapin chéri, moi c’est de même, la séparation est bien terrible surtout qu’on l’on s’aime comme nous nous aimons. Puis, quitter mon petit Paul si gentil, vivement la prochaine permission pour revoir ma petite famille que j’aime tant, et il faut bien espérer qu’il y aura du nouveau ou sinon, cette fois-là, je prendrai totalement la tête.
Quant à mon pied, je l’ai soigné et presque passé à présent.
Mardi 18 janvier 1915
Ma Petite Femme chérie,
je fais réponse à ta lettre reçu ce soir du 15 avec Grand Plaisir mon petit lapin chéri.
La santé est parfaite et pense que cette carte vous trouvera tout de même, sans oublier mon fils chéri, qui doit toujours aimer bien boire, quand à mon pied, il est complètement passé à présent.
Tant mieux que tu as eu la bonne visite … te voilà tranquille mon petit coeur adoré. De toute manière, je n’ai pas encore écris ou je t’avais dit, on est complètement découragé d’avoir quitté son Petit Lapin chéri et son fils chéri.
Bien des choses de ma part à la famille Galette Louis et je termine. Bonjour à mon oncle, le papa et toi ma Petite Femme Chérie.
Reçois de ton petit homme chéri ses doux baisers du fond du coeur sans oublier mon fils chéri.
L. Galette
Mardi 1er février 1915
Ma petite femme chérie
C’est avec grand plaisir que j’ai reçu ta lettre ce soir du 29-30.
Mon petit lapin chéri, cela vous fait manger très tard, à cause du Papa qui rentre si tard.
Probablement que vous n’attendez pas, mon oncle trouverait le temps long, lui qui aime tant manger à l’heure, pour Le Galette, je suis comme le renard, je n’ai pas que le regard, enfin, il viendra peut-être un jour où l’on sera un peu mieux à son aise.
Te voilà heureuse d’avoir vu des boches, je voudrais bien ne jamais en revoir, je t’assure que ça me ferait bien plaisir.
Lundi 7 février 1915
Ma petite femme chérie.
C’est avec plaisir que j’ai reçu ta lettre du 4-5, ainsi que le colis dont tu m’annonces le tout en très bon état, d’après ta lettre du 4. Je vois que tu t’en es tiré d’une peur, vaut mieux comme çà qu’autrement. Quant à ma tante, ça va très bien à présent, quant à ma santé, cela ne venait pas d’où tu me dis, en coupant des veines. D’abord, je n’avais pas de rhume, c’est simplement de la fatigue, une courbature, enfin à présent, ça va, c’est tout ce que je demande. Je ne puis t’en mettre plus long ce soir, car il me faut du repos. Demain, nous partons pour les tranchées, il faut que je me lève très matin, environ 4h.
Jeudi 10 février 1915
Ma petite femme chérie
Quelques lignes ce soir et demain, je continuerai car c’est toujours le même fourbi. Je viens de recevoir à l’instant même ta lettre du 8. Toujours marquée janvier. Je vois bien qu’il n’y a pas que moi qui perd la tête mon petit lapin chéri aussi, car elle se trompe de mois je crois. Cela veut dire que le temps ne lui dure pas, ce n’est pas comme moi car je n’ai plus de goût à rien faire, et crois-bien à présent que ça ne reviendra jamais. Je n’ai pas encore répondu à ma chère soeur, pas une minute à moi.
Vivement la fin, d’une manière ou de l’autre.
Voilà tout ce que je peux t’écrire ce soir. Voilà les distributions, et l’eau qui arrive, et pour attendre 10h du soir…
Samedi 12 février 1915 – 8h soir
Ma Petite Femme Chérie,
à cette heure où je t’écris, notre ravitaillement n’est pas encore venu et je fais que de finir de mettre tout en ordre, en attendant les vivres et l’eau, ainsi que les lettres.
Le tout n’arrive que quand la nuit est arrivée, et comme il fait clair de lune, ce qui fait que nous toucherons plus tard.
Je pense bien recevoir des nouvelles de mon petit lapin chéri ce soir, c’est mon seul désir et ce qui me fait vivre en pensant à mon fils et mon petit coeur adoré.
Je ne vois pas grand chose à te dire que la santé est toujours parfaite, et souhaite que ma carte te trouve de même, mon fils aussi.
Toujours le même temps, et pas chaud, entendu de temps en temps quelques coups de canons, pour ne pas en perdre l’habitude, ce n’est pas le rêve de travailler d’un temps pareil…
Cartes – Coll. L. ANTOINE
Cette correspondance est très émouvante, comme sans doute la plupart de celles qui ont été échangées entre les familles et les soldats pendant la grande Guerre .
Une des cartes a plus particulièrement attiré mon attention , celle du Jeudi 10 février 1915 ,car l’écriture de Louis n’est pas la même que sur les autres cartes . On le sent fatigué , désabusé ,il ne débute pas sa lettre comme les autres par "C’est avec plaisir que j’ai reçu ta lettre " ,mais par "Quelques lignes ce soir et demain, je continuerai car c’est toujours le même fourbi" …,on sent au début beaucoup d’énervement . Et plus loin, "ce n’est pas comme moi car je n’ai plus de goût à rien faire, et crois-bien à présent que ça ne reviendra jamais. Je n’ai pas encore répondu à ma chère soeur, pas une minute à moi." On ressent ici ,de la fatigue ,même de la lassitude ( pas une minute à moi) . Et le pire pour terminer , cela n’a pas dû rassurer sa femme : "Vivement la fin, d’une manière ou de l’autre" , on sent ici qu’il en a vraiment marre , il voudrait que cette guerre se termine !
Ces correspondances sont très intéressantes et lorsqu’on en a plusieurs comme ici , on peut voir les différents états d’esprit dans lesquels pouvaient se trouver les soldats ,selon ce qui se passait sur le front et dans les tranchées et on se rend compte de l’évolution de leur moral .
Mais je pense qu’en général ,ils essayaient de ne pas faire paraître à leurs proches leurs angoisses et leur lassitude de cette guerre .
Merci pour votre commentaire très pertinent !
Votre dernière phrase résume bien l’état de fait… minimiser pour rassurer, c’est humain.
Je regrette qu’une seule chose, ne pas avoir pu "récupérer" la série complète de ces cartes.
Alors, on se demande toujours : "mais, que sont-ils devenus ?"
C’est en effet dommage que vous n’ayez pas pu récupérer la série complète ,mais ces six cartes sont déjà un beau témoignage .
Merci pour ce bel article !