Le 4 décembre 1914
Mes chers amis…
vous m’excuserez si j’ai tardé quelques jours à vous faire réponse de suite.
Je vous dirais que çà m’a fait de la peine en me disant que Eugène avait été tué sur le champ de bataille, surtout que lui pouvait s’en éviter, c’est bien triste pour les familles car la guerre est barbare.
Il faut s’y trouver pour le voir et pour le croire, c’est quelque chose d’invisible (?).
Maintenant, nous tenons un front devant les casernes de Saint-Mihiel qui sont occupées par les allemands, et c’est une jolie ville.
Et bien, il faut que toutes les semaines il y ait un combat contre ces casernes, c’est un hasard s’il n’y reste pas deux ou trois compagnies.
Dernièrement, vous ne savez pas ce qu’ils ont fait ? ils ont laissé entrer les français, quant ils ont été dedans, ils les ont fait sauter, elles étaient minées à l’avance.
Ce sont des vieux lascars, ils savent faire la guerre.
Je ne vois plus rien à vous dire pour le moment.
Bonne santé à vous tous. A bientôt.
Voilà, tout est dit… La guerre est barbare !
Un courrier court, et qui résume bien cette courte phrase… Eugène a été tué, les allemands ont fait « sauter » les français… ça ne laisse que peu de place aux pensées un peu plus légères.
Il semble que cette correspondance fasse référence à la prise de Chauvoncourt, dans la Meuse, le 17 novembre 1914 par les français, puis à ce tragique événement.
La place ayant été minée, l’explosion causa de très lourdes pertes de notre côté, obligeant les français à se replier. La ré-installation des allemands fut immédiate.
Notre soldat se trouve à 150km de Reims, on peut supposer qu’il y était auparavant. La carte nous montre les dégâts causés par un seul obus de 420 !
420 mm, c’était le calibre de la tristement célèbre « Grosse Bertha » / « Dicke Bertha », obusier nommé ainsi en l’honneur de Bertha Krupp, fille unique et héritière de Friedrich Krupp, constructeur de cette arme abominable.
Quant au lieu de cette destruction, même si rien n’est marqué sur la carte postale, il s’agit de la Rue Ponsardin. En revanche, dans l’état, difficile de dire à quel niveau de cette longue rue rémoise se trouvait cette construction.
(il existe de nombreuses autres cartes similaires, avec indication du nom de la rue).
Il faut dire que cette rue, et ses abords, ont extrêmement souffert de la guerre… rien ne semble reconnaissable sur ce cliché.