Abbé Rémi Thinot
3 OCTOBRE – samedi –
1 heure ; quelques bombes ce matin, quartier Cérès. En ce moment, les obus pleuvent depuis une demi-heure tout à fait à proximité.
7 heures soir ; Ce bombardement nouveau style, à l’aveuglette, sur la ville, a produit un affolement considérable.
Ce matin, à 3 heures et demie, vient sonner chez moi un photographe de « L’Illustration » m’apportant le numéro où il est question de l’Abbé Chinot. Je suis désolé de cet article inexact, incomplet, faux sur tous les points et je prépare une note rectificative…
Il est 8 heures ; depuis 6 heures 1/2, le canon tonne. Je pense à cette réflexion d’un officier d’état- major aujourd’hui ; « Ou bien dans 2 ou 3 jours Reims sera délivrée, ou bien nous en avons pour 2 ou 3 mois à soutenir ce siège.
Stengel, le sonneur, a été enterré ce matin.
Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.
Louis Guédet
Samedi 3 octobre 1914
22ème et 20ème jours de bataille et de bombardement
9h matin Nuit relativement calme, fusillade mais rien de plus. Ce matin vers 6h1/2, la même, on n’entend plus de canon à proximité de la Ville, à quelques exceptions près.
11h Toujours le calme et le canon lointain. Tout à l’heure mon… La suite est illisible, elle a soigneusement été rayée.
11h1/2 Je vais chez Tricot aux Galeries Rémoises porter ma lettre à Armand Tricot de sa fille Yvonne (qui épousera en janvier 1920 Marcel Lorin), lettre qui vient de m’être remise avec d’autres pour Madame Potoine, M. Dargent, M. de Granrut, voir pour moi, de la part de Price du « Daily Mail », qui a été arrêté à Sermiers par les autorités militaires qui ne lui ont pas permis de pousser jusqu’à Reims.
En revenant, en face des Sœurs de la Charité, j’aperçois un jeune officier, un lieutenant, dont le numéro de régiment me semble être le 208ème d’infanterie. Je l’aborde et je lui demande s’il est bien du 208ème. « Oui Monsieur », me répond-il. Puis nous nous regardons. C’était René Magnier, de Boulogne-sur-Mer, dont la sœur Henriette a été mariée à ce pauvre Félix Duquesnel (1873-1909, époux d’Henriette Magnier, née en 1882), cousin des Bataille ! Surprise ! et moi de lui dire : « Je cherchais depuis hier où pouvait être votre régiment, car j’ai reçu hier une lettre de votre sœur me disant que vous deviez être dans les environs de Reims et me priait de vous remettre une lettre que j’ai chez moi. » – « Venez ! et vous déjeunerez avec moi, cela vous permettra de répondre à cette lettre et nous causerons ! »
C’était une lettre de sa femme, à laquelle il répondit aussitôt. Et tout en déjeunant il me raconte qu’il est en cantonnement à Pargny, et ses aventures depuis Dinant où il a fait le coup de feu, la retraite précipitée jusqu’à Vervins, aux environs duquel il a reçu un shrapnell dans le mollet, qui lui a permis cependant de suivre son bataillon. La refuite jusqu’à Champaubert où on a fait des hécatombes. Dans une tranchée allemande d’un kilomètre de longueur prise en enfilade par une de nos mitrailleuses il a compté plus de 300 cadavres allemands restés dans la position du tireur debout ! C’était un vrai carnage. Il se plaint du manque d’officiers ! et de cadres !! mais il a bon espoir. Il me confirme que Reims est le pivot des tenailles qui cherchent à enserrer les allemands dans leurs pinces. La grosse partie se joue du côté de Roye et de St Quentin.
Quand serons nous enfin débarrassés de cette angoisse de sentir l’Ennemi si près de nous, à nos portes, et quand n’entendrons nous plus ces coups de canon, cette fusillade !! qui nous obsède depuis 22 jours ! Quelle vie ! Quel Martyr !
Journée triste et de découragement absolu pour moi.
Si cela continue je n’y résisterai pas. Je n’ai même plus le courage d’écrire ces quelques mots. A quoi bon ! les écrire. Je ne reverrai sans doute plus mes chers aimés, mon pauvre cher Père ! L’épreuve est trop forte. Je n’y puis résister. Mes épaules ne plient pas sous son poids, non ! elles se brisent, elles sont écrasées.
En allant au Courrier de Champagne vers 5h à la Haubette où il s’est réfugié chez Bienaimé, j’ai vu, avenue de Paris, les maisons incendiées, numéros 24 et 26, la nuit où j’étais otage. En les contemplant je pensais : « Et dire que ces 2 bicoques pouvaient être le prétexte de me faire loger 12 balles dans le corps le 12 septembre au matin !! » – « Vraiment, c’eut été cher payé !! »
- Dargent que je viens de voir me dit que son beau-frère l’abbé Borne, lieutenant d’infanterie, serait blessé, prisonnier, ou mort ou disparu. Il en est fort inquiet. Et combien d’autres seront dans le même cas et ne reviendrons pas au bercail familial !! Dans nos contrées de l’Est ce sera le désert !! La dépopulation complète !!
8h10 soir Le canon retonne, cela devient un refrain, mais vraiment on est… à bout de patience ! on est réduit à l’état inconscient, je n’ai même plus le courage d’écrire à ma femme, à mon Père. A quoi bon ! Je ne puis dire de revenir de son exil à la première et au second je n’ai et ne puis avoir aucune nouvelle ! A quoi bon !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
3 octobre – La nuit passée a été très calme ; on a pu, cette fois se reposer. Cependant, dans la matinée, de nombreux projectiles sont encore arrivés aux extrémités de la ville, en réponse au tir de nos batteries
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Nuit tranquille. 9 h coups de canon, bombes. Bombes nombreuses dans la matinée et dans l’après-midi, de 2 h à 2 h 1/2.
Nuit assez calme ; combats au loin
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
Gaston Dorigny
Hélas non, l’ennemi est toujours là, le canon tonne encore toute la journée. A neuf heures ½ du matin un obus tombe aux environs de la poste provisoire rue Libergier. On aperçoit au dessus de nous deux aéroplanes, un allemand et un français. Ils paraissent se faire la chasse. En effet ils se combattent là-haut et après peu de temps, le nôtre abat l’avion ennemi qui tombe en feu.
Gaston Dorigny
Paul Dupuy
3 octobre 10H Départ de M. Hénin allant aider la caravane dans son retour.
Il évite Bezannes, occupé par un État-major qui rend le passage particulièrement difficile en lui montrant la presque impossibilité qu’il y aura pour le groupe de fléchir la consigne.
A l’appui de cette opinion vient s’ajouter, à Sacy l’affirmation, donnée par un gendarme, qu’on ne laissera certainement pas franchir le village en question on renonce donc à tenter l’aventure, et Hénin revient seul en prenant des chemins de terre un peu exposés.
Paul Dupuy - Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre 1914.
Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires
Samedi 3 octobre
Le succès des Russes sur les Allemands dans le gouvernement de Suwalki apparaît maintenant foudroyant. La forteresse d’Ossowietz a mis ses agresseurs en fuite.
Les Austro-Allemands ont concentré des forces considérables autour de Cracovie et la bataille serait même engagée devant cette ville. Les forces russes sont là plus nombreuses peut-être que celles de leurs adversaires.
L’avance des troupes du tsar dans les districts hongrois au sud des Carpates ne semble pas s’être ralentie.
Les nouvelles qui arrivent de Belgique continuent à être satisfaisantes. Les forts de la première ligne retranchée d’Anvers tiennent très bien contre les attaques allemandes. Le roi Albert Ier a prononcé une harangue très réconfortante pour ses troupes. Les Belges ont d’ailleurs réussi, par un stratagème habile, à obstruer la voie ferrée entre Mons et Bruxelles.
On publie un propos méprisant que Guillaume II a tenu sur la valeur de l’armée anglaise et les journaux britanniques le relèvent comme il convient.
L’Italie a réclamé des indemnités à l’Autriche pour ceux de ses bâtiments de pêche qui ont été coulés par des mines dans la mer Adriatique.
Source : La Grande Guerre au jour le jour