Abbé Rémi Thinot

13 OCTOBRE – mardi –

2 heures 1/2 du matin ; Je viens de descendre à la salle-à-manger. Les obus ont recommencé à pleuvoir en pleine nuit. Je ne croyais pas encore aux sifflements de tout à l’heure, mais un éclatement formidable dans le Lycée m’a fait descendre. Nos grosses pièces donnent, donnent !

Les obus reviennent tout autour de chez moi. Mon Dieu, je m’agenouille devant vous dans un appel à la confiance et dans la confiance en votre miséricorde.

3 heures, 3 heures 1/4, 3 heures 1/2… plus rien.

Je réfléchis à ce que Poirier m’avait annoncé hier soir – de retour du vignoble, ralliant Reims avec sa femme pour deux jours – Son beau-frère, le sergent Gosset était commandé pour partir à 8 heures, pour prendre Cernay et, de là, chercher à tourner les allemands qu’on voulait amener, en leur cédant des tranchées vers St. Léonard. Ce mouvement aurait-il réussi? Et nos sauvages, pour assouvir leur rage, auraient-ils tiré sur la ville ?

6  heures matin ; Je vais aller dire ma messe… le Ciel est calme ; du canon au loin, encore.

7  heures soir ; Eh ! bien, le bilan de la nuit en valait la peine ; obus au lycée, rue du Levant, rue de l’Université…

Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.

Louis Guédet

Mardi 13 octobre 1914

32ème et 30ème jours de bataille et de bombardement

9h1/2 matin  A 2h1/2 du matin un obus tout près, il faut descendre à la cave. Jusqu’à 2h40 les obus tombent. Où ? je ne sais, mais il me semble que cela s’éloigne vers le Théâtre (le Centre de Reims), à 3h20 nous remontons nous coucher.

Ce matin calme, mais je n’espère plus la fin de nos malheurs, de nos souffrances. Reçu lettres de Mme Bethouart et de Mme Gombert, auxquelles je répondrai quand…  je pourrai !!

6h soir  Déjeuné chez les Fréville, avec un commandant trésorier payeur de l’armée, M. Gérard, trésorier payeur à Étampes, et le percepteur de guerre M. Pujol (à vérifier). Causé des événements et bien entendu Reims n’est pas intéressant comme situation insupportable, etc…  M. Gérard prétend qu’aujourd’hui la grosse batterie qui nous fait tant de mal sera démontée. Que Dieu l’entende !

  1. Fréville s’est chargé très obligeamment de faire parvenir à Versailles la pension de Jean par sa famille à Versailles. Je lui rembourserai ces 500 Francs incessamment. J’ai appris seulement aujourd’hui que son fils Robert, qui est dans le corps d’aviation, avait été fait prisonnier. (Pilote à l’escadrille R15, le récit de son évasion a été publié par Jacques Mortane dans « Traqués par l’ennemi »).

Madeleine m’apprend que Jean est parti pour Versailles et que Robert passe son baccalauréat le 16.

Les feuillets du 14 septembre et du début du 15 septembre ont disparu.

… Je crains bien que non ! Seul ! isolé ! abandonné de tous ! Je n’ai plus qu’à me laisser mourir. Du reste ma vie n’a été qu’une succession de misères et jamais rien ne m’a souri ! Aux autres les joies, les satisfactions, les succès, à moi…  toutes les souffrances !! La… (passage rayé).

6h soir  Je viens de faire un tour par les loges de la Place d’Erlon, vers la gare qui est sinistre dans son abandon. Toujours sous les marronniers des Promenades l’artillerie qui s’y dissimule depuis un mois. Jamais les « Taube » ne les ont découverts ! Et Dieu sait qu’ils ont tournoyé au-dessus maintes et maintes fois ! Le canon gronde fort du côté de Berry-au-Bac ! Arriverons-nous à les déloger de là ? et à les couper ? Ce serait la délivrance pour nous.

8h soir  La bataille recommence, du côté de La Neuvillette, surtout de la fusillade. Le canon tonne plus loin. De ce côté-là, vers la rue Thiers, ce sont des éclairs continus, et certains persistent comme si c’étaient des feux de Bengale ! Quand donc n’entendrons nous plus cela et que ce sera fini ? Voilà notre canon qui tonne plus près (8h10), gare ! voilà une mauvaise nuit qui commence, nous avions été trop tranquilles depuis 2 ou 3 jours.

8h1/2 soir  A certains moments j’entends les cris, les clameurs des combattants ! La bataille fait rage ! Quelle nuit en perspective, pourvu que nous n’en recevions pas les éclaboussures !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

Vers 22 h ½, hier soir, nous avons été réveillés par une première explosion. À 2 h, ce matin, une quinzaine d’obus éclatant encore, nous nous sommes trouvés dans l’obligation de nous lever e de nous préparer à toute éventualité, – puis le calme revenant enfin, nous sommes retournés dans nos chambres, en souhaitant ardemment de n’avoir pas à nouveau notre repos si brusquement interrompu.

Je m’aperçois, le matin, en me rendant à la mairie, qu’un des obus de la nuit est entré par le toit de la maison où se trouve une pâtisserie, en face du théâtre et qu’une maison de la place du Chapitre a été éventrée, à hauteur du premier étage, par un autre projectile.

Le bombardement continue dans la journée et les Rémois, à qui les journaux ont conseillé la patience, en attendant le refoulement certain des allemands, commencent à s’inquiéter. Ils se demandent si le souci de leurs existences est entré en considération et si des efforts sérieux ont été tentés ou le seront bientôt pour le dégagement de la région.

À ce jour, il y a un mois qu’ils ont commencé à subir le bombardement infernal de l’artillerie allemande, un mois qu’ils ont vécu sans se plaindre, dans des alternatives d’angoisses, – et quelles angoisses- ou d’espoirs constamment déçus, pour en arriver à se poser encore la même question : « L’ennemi est-il toujours aussi solidement retranché sur les hauteurs d’où il prend plaisir à saccage la ville et à massacrer ses habitants ? ».

– Dans Le Courrier de ce jour, nous lisons ceci :

La cathédrale est-elle réparable ? Voici la réponse de la Commission chargée par le Ministère de l‘Instruction publique, de préciser l’étendue des ravages commis. En résumé, est-il dit dans la conclusion du rapport, la cathédrale est défigurée dans ses lignes et dans les détails de sa décoration ; si sa construction puissante a résisté en partie au choc des projectiles, on ne refera jamais ses admirables sculptures et elle portera éternellement la marque d’un vandalisme qui a dépassé l’imagination.

 Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Nuit : canonnade. Bombe vers 11 h du matin ? Bombe entre 2 et 3 heures (du matin ou du soir ?).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Paul Dupuy

À deux reprises différentes (3H et 20H) nous devons encore descendre en cave, pendant que passent au-dessus de nous les obus qui vont atteindre la pharmacie Millot, la pâtisserie Olza et à nouveau le théâtre.

Le matin arrive la 1e lettre de M Legros (du 10) donnant son adresse à Paris, Hôtel de Bretagne et d’Orléans réunis, 23bis rue de Richelieu.

Il a passé à Dormans la nuit du 8 au 9, et est entré le 10 dans la capitale, qu’il trouve peu animée.
M’est apportée aussi une bonne lettre de Mr et Mme Dechéry, qui sont réfugiés à La Rochelle, chez M. Féval, 8 rue Dauphine.

Paul Dupuy. Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre 1914.

Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires

 

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Mardi 13 octobre

Le bulletin officiel atteste que notre situation reste satisfaisante.
Sur aucun point l’ennemi n’a progressé: sur beaucoup nous avons gagné du terrain.
Les Allemands n’ont enlevé que les faubourgs de la ville d’Anvers : vingt-quatre des forts du camp retranché tiennent toujours.
Les troupes russes de la Vistule ont pris contact avec l’armée allemande vers Ivangorod et Varsovie.
Le gouvernement austro-hongrois, sans doute à la requête de l’état-major allemand, qui exerce une tutelle croissante sur lui, a décidé de changer cinq des commandants de corps d’armée. C’est un aveu dé défaite, et cette défaite est d’ailleurs d’autant plus caractérisée maintenant que l’armée russe a pénétré en Transylvanie.
Le ministre des Affaires étrangères d’Italie, M. di San Giuliano, est gravement malade.

Source : La Grande Guerre au jour le jour