Le fort de Brimont est un ouvrage militaire de la ceinture fortifiée de Reims, pensée par le Général Adolphe Séré de Rivières. Il se situe sur les hauteurs du village de Brimont à seulement 10 km de Reims.
Il faudra 4 années pour réaliser sa construction qui débuta en 1875.
Il faisait partie (avec le Cran de Brimont) d’un ensemble de forts construit en arc de cercle autour de Reims et solidaires les uns des autres : La Pompelle, Witry-lès-Reims, Nogent-l’Abesse et la « Vigie » de Berru, Montbré, Saint-Thierry, le « Réduit » de Chenay, Fresnes-lès-Reims et la Batterie de Loivre.
Voir la liste en détail sur le site Betheny1418.free.fr
Celui de Brimont était le plus important de cet ensemble et il pouvait accueillir 729 hommes.
L’accès au fort se faisait par un pont et un système de herse verticale, comme ceux utilisés dans nos anciens châteaux forts (pont levis). L’ouvrage était entouré de fossés eux même protégés par des caponnières et l’artillerie, quant à elle, était placée au centre du fort. Deux autres ouvrages situés à 1300 m de part et d’autre du fort ont également été construits : la Batterie de Loivre, et la Batterie du Cran de Brimont : leur rôle était de couvrir les « angles morts » pour le fort de Brimont.
Plan du Fort de Brimont :
1- Entrée
2-Caserne
3-Cave à Mortier
4-Poudrières
5-Caponnières doubles
6-Caponnière simple
7-Traverses de tir
Plan de la Batterie du Cran de Brimont :
Le fort appartient désormais à la commune de Brimont depuis le départ des militaires de la base aérienne 112 qui en ont eu la gestion durant de nombreuses années.
Hormis quelques destructions mineures survenues pendant les Première et Deuxième Guerres Mondiales, le fort de Brimont est resté dans un état de conservation exceptionnelle quand on connait l’intensité des combats qui se sont déroulés dans le secteur. Le fort a subi ses plus grandes mutilations après la guerre. Des pierres de taille prélevées dans certains fossés et les façades des casernements servirent à la reconstruction de Reims !
A l’heure actuelle le fort est encore debout et il est l’excellent témoin de ces années de guerre et de la vie qu’ont pu avoir les soldats. Malheureusement aujourd’hui, peu d’intérêt lui est porté et beaucoup de rémois ignorent même l’existence de ce grand site historique situé à seulement quelques kilomètres de leur ville.
La Batterie de Loivre, quant à elle, a complétement disparu, et le Cran de Brimont situé sur une zone privée, est maintenant inaccessible.
Le système Séré de Rivières :
Alors que la France tourne une page d’histoire douloureuse après la guerre de 1870, nous privant de l’Alsace et de la Lorraine et affaiblissant considérablement notre ligne de défense, le gouvernement français ordonne la construction d’une importante série de fortifications à travers le pays afin de défendre les nouvelles frontières françaises très modifiées avec la perte des places fortifiées de Strasbourg et de Metz.
Dès 1874 le Général Adolphe Séré de Rivières, alors directeur du Génie fut chargé de cette tâche colossale : concevoir la réalisation de plusieurs centaines d’ouvrages à travers la France, devant protéger les frontières terrestres et maritimes.
Le système de fortifications appelé «Séré de Rivières » prévoit la construction d’ouvrages polygonaux, et enterrés ou l’artillerie y est installée à découvert, et simplement protégée par les monticules de terre extrait du sol lors de leurs constructions .
On trouve sur le territoire défendu, différents types d’ouvrages adaptés aux différentes stratégies de défenses pensées par le Général Séré de Rivière. Ils sont construits, selon les endroits, en ceinture fortifiée, c’est à dire plusieurs forts construits en arc de cercle autour des villes à protéger, comme c’est le cas pour Reims.
Ces forts sont appelés fort « de places » ou «de ceintures.»
Les forts pouvaient également être construits côte à côte et de manière linéaire, rejoignant deux places fortes à chaque extrémité. Ces forts sont alors appelés fort « de rideau » ou « de liaison ».
Enfin, certains forts de taille importante pouvaient être construits de manière isolée, et avaient la particularité d’être autonomes en cas de combats. Ces forts était capables de tirer des obus dans 5 directions différentes et était mieux armés que les autres, désignés eux « Forts d’arrêt ». Leur rôle principal était de stopper directement les troupes ennemies présentes aux abords.
Mais une récente découverte allait compromettre l’avenir de ces édifices en les rendant vulnérables. C’est la mélinite qui est développée en 1885 par le chimiste Eugène Turpin, et qui par ses propriétés nettement plus explosives que la poudre noire, permettait une propulsion des obus avec beaucoup plus de puissance. La mélinite va rendre « perméables » les ouvrages de maçonnerie : elle est capable de percer les voûtes en provocant des éboulements et les murs n’offrent plus une protection suffisante pour l’artillerie qui rappelons le, était installée sur des emplacements de tirs à ciel ouvert.
Dès 1886 Plusieurs expériences visant à tester la puissance de ces nouveaux obus à la mélinite fut menées au fort de la Malmaison dans l’Aisne (Chemin des Dames), qui est aussi un des forts de l’aire Séré de Rivières. Il servit de fort témoin, en recevant 171 projectiles de tous calibres tirés à l’aide d’une batterie située à 300 mètres du fort et spécialement installée pour l’occasion.
Le résultat fut sans appel. Devant les dégâts occasionnés par la puissance des impacts jusqu’alors jamais vue, les forts furent condamnés à l’obsolescence, beaucoup d’entre eux ne verront jamais le jour, les forts construits quelques années seulement auparavant seront démobilisés avant la Première Guerre Mondiale. Il sera seulement question de renforcer les ouvrages aux points les plus stratégiques, par du béton armé, ce qui s’avéra être une bonne solution.
En 1914 pratiquement tous les forts sont désarmés.
Reims n’échappa pas à la règle, et les forts furent eux aussi privés de leurs soldats.
Quand les Allemands pénètrent dans la ville de Reims le 4 septembre 1914, ils s’empareront de ces forts sans aucune résistance ou presque, leur offrant des positions stratégiques de premier choix. Reims en payera, par la suite les conséquences. Dès le 4 septembre 1914 les premiers obus tombe sur la Cathédrale : l’on y installe en hâte un drapeau blanc pour que les bombardements cessent. Le 13 septembre 1914 les troupes françaises reprennent la ville, mais les Allemands toujours retranchés aux alentours accentueront les bombardements de la cathédrale et du quartier des Laines avec des obus incendiaires dès le 14 septembre 1914.
Carte Postale : Collection T. Geffrelot
Le 16 avril 1917, les soldats russes de la première brigade du corps expéditionnaire envoyé en France par la Russie attaquent à Courcy, en direction de Brimont pour tenter de faire une percée dans les lignes ennemies, mais sans succès.
Le fort restera allemand jusqu’en octobre 1918.
Superposition « avant-après » : Thomas Geffrelot
Le Général Séré de Rivière laissera à la France un héritage très riche et intéressant, en terme d’architecture militaire. Les forts ne connurent certainement pas les honneurs qu’ils auraient mérités. Beaucoup de ces édifices ont pour diverses raisons montré leur importance capitale durant la Première Guerre Mondiale, bénéficiant tantôt à l’occupé tantôt à l’occupant qui s’y retranchèrent quand ils parvinrent à en prendre possession.
Comme pour tenter de raconter leur histoire,139 ans après, une quantité importantes de ces vestiges reste visible , même si certains de ces ouvrages ont complètement disparu.
Les forts de Vaux, et de Douaumont à coté de Verdun sont visités chaque année par des milliers de touristes du monde entier, montrant l’intérêt porté à ces lieux de mémoire prestigieux, ainsi que la nécessité de maintenir leur mise en valeur et l’aménagement d’accueil pour le public.
(Vue aérienne du fort de Brimont à la fin de l’année 1918) Collection : T. Geffrelot
Actuellement le fort de la Pompelle est en pleine restauration en vue du Centenaire. Malheureusement tous ces hauts lieux de l’histoire n’ont pas la même sort, ainsi certains sont laissés dans un total abandon, se dégradant chaque année un peu plus, et subissant les actes de vandalisme. Pensons-y, il est important de conserver ce patrimoine menacé par l’oubli. Il fait partie des dernier témoins de cette période de notre histoire locale, et il mérite tout notre intérêt
Les forts Séré de Rivières ont énormément d’histoire à raconter tant d’un point de vue mémoriel que pragmatique : hormis le fort de La Pompelle, les infrastructures datant de la premières guerre autour de Reims sont quasi inexistantes alors que Brimont possède toutes les caractéristiques requises pour offrir à d’éventuels visiteurs l’image réelle de la guerre comme on peut rarement la voir autour de Reims.
A l’heure du centenaire de la guerre 1914-1918, il serait intéressant de le voir mis en lumière pour que les visiteurs puissent en faire la découverte. Cela permettrait également que le fort puisse bénéficier d’une mise en valeur, et pourquoi pas plus Quand on voit ce qui a été fait pour l’emblématique fort de la Pompelle qui est visitable toute l’année et auxquels les gens de la région sont solidement attachés, il me semblerait intéressant de ne pas se désintéresser de ce patrimoine qui est si proche de nous et qui devient très vulnérable à force d’être oublié.
Portraits d’Eugène Turpin : Gallica.bnf.fr
Ma grand-mère, née Madeleine Marguerite Thomé en 1883 à Brimont, et ayant vécu centenaire, m’a raconté comment elle avait vécu la guerre de 1914, jusqu’à l’évacuation des habitants du village par la Suisse à la fin de la guerre. Il me reste quelques photos et cartes postales. Actuellement aucun livre, aucune série de photos ne sont conservées pour être montrés au public, notamment pour ce qui est du patrimoine architectural (église gothique – j’en ai une vue, château des Ruinart de Brimont, maisons typiques de la Champagne du Nord, avec chartil, etc).
Bonjour,
Permettez moi de vous signaler une erreur qui s’est glissée dans cet article: en effet, le deuxième plan, sensé représenter la batterie du Cran de Brimont, représente en fait le fort de La Malmaison (Chavignon – département de l’Aisne), célèbre pour les combats qui y ont eu lieu en 1917, mais aussi de par les essais de bombardements qui y eurent lieu en 1886, et qui menèrent à la « crise de l’obus-torpille ». La batterie du Cran de Brimont avait une forme pentagonale : http://betheny1418.free.fr/04%20fortification/02ceinture/ceinture05.htm
Cordialement,
Julien Duvéré
Effectivement, nous avons rectifié. Merci de nous avoir signaler cette erreur.
Cordialement.