Louis Guédet

Vendredi 4 avril 1919

1666ème et 1664ème jours

3h soir  Temps gris, maussade. Pourvu qu’il ne pleuve pas. Je suis plus délabré que jamais. Pas de nouvelles de St Martin. Pas beaucoup de courrier. Mais je n’ai le courage de rien ! Je crois que cette vie misérable me tuera. Mon Dieu tant mieux ! Je sens mes forces à bout ! Et puis mener une semblable vie, vaut mieux la mort ! qui sera une vraie délivrance pour moi. Moi disparu Dieu aura peut-être pitié de ma pauvre femme et de mes pauvres enfants !

Sorti ce matin pour porter des lettres, et rentré pour mon courrier. Rencontré Halbardier, toujours le même. Heureux caractère. Après-midi été à la Recette des Finances porter 2 titres à vendre, et changer des billets de 1000 Francs, puis poussé à la Poste porter des lettres avec une à ma pauvre femme. Rencontré l’abbé Maitrehut. Causé des Sœurs de l’Hôtel-Dieu et du projet Roederer. Puis l’abbé Camu, curé de la Cathédrale, qui se rend bien compte de l’état d’esprit égoïste des français de l’arrière non éprouvés ! Nous sommes du même avis sur ce chapitre !! Ces rapaces, ces jouisseurs, ces nouveaux riches seront-ils châtiés ?!! L’avenir nous le dira !

Rentré songeur. J’ai pleuré presque tout le temps de ma route !! Ces ruines toujours vues et revues me crèvent le cœur. Quelle agonie ! Quand donc la mort viendra-t-elle me délivrer ?

7h soir  Visite de Lucien Masson et de sa mère, causé longuement. Tous sont rentrés à Paris et ne songent nullement à revenir à Reims (Lucien Masson, Industriel (1874-1948), est le père de Geneviève Masson (1901-1999) qui épousera Jean Guédet le 28 mai 1925)!! (Barré et rayé).

Cailteaux, mon confrère de Witry-les-Reims, qui était venu me demander où il pourrait et devait faire enregistrer ses actes !! Puisqu’il n’y a pas de receveur à Bourgogne !! Quelle pagaye !! Nous allons à l’anarchie, au gâchis ! à la tour de Babel ! Vraiment… C’est bien triste !!

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Le Pape Benoit XV

Vendredi 4 – Première audience de Benoit XV ; après audition de la Prédication, visite au Cardinal  Vanoutelli, doyen du S. Collège (sa fête) ; au cardinal De Lai, non rencontré ; au Cardinal Billette, non rencontré.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Vendredi 4 avril

Les Quatre ont siégé matin et soir. Ils ont continué l’étude des questions de l’Europe orientale.
Un communiqué a été publié : le premier depuis que les Quatre se sont substitués aux Dix.
Le voici :
«Le général Smuts part pour la Hongrie, dans le but de faire une enquête sur certains problèmes soulevés par l’armistice et sur lesquel le conseil suprême désire de plus amples informations. »
Malgré le laconisme de ce communiqué, on peut supposer que le général Smuts procédera à une étude générale de la situation en Hongrie, au point de vue politique, social, militaire et économique. Les questions qui sont connexes à l’application de l’armistice sont nombreuses et d’ordres très divers.
Le général Mangin, dont on avait parlé pour une mission dans l’Europe orientale, est retourné à Mayence.
On apprend qu’au moment où le colonel Vix quittait Pesth avec la mission alliée, Bela Kuhn, commissaire du peuple aux Affaires étrangères, lui remit une note où il insistait sur le désir de la République communiste hongroise d’entretenir de bons rapports avec l’Entente et sollicitant le concours de celle-ci pour le ravitaillement du pays.
La première entrevue entre les délégués financiers anglais, allemands et français a eu lieu au château de Villette, près de Pont-Sainte-Maxence. MM. de Lasteyrie et de Courcel représentaient la France, M. Keyns, l’Angleterre.
Dix-sept nouveaux sous-marins ont été livrés à la France.
De nouveaux troubles ont éclaté en Allemagne. Il y a grève générale à Stuttgart, où l’état de siège a été proclamé. La situation est grave dans le bassin de la Ruhr. Des troubles sanglants ont eu lieu à Francfort.

Source : La Grande Guerre au jour le jour