Louis Guédet

Samedi 19 octobre 1918                                                            

1499ème et 1497ème jours

9h matin  Temps gris, sombre et froid. Vrai temps de novembre. Jean est parti hier soir vers 9h pour prendre son train à Vitry-la-Ville. A peine parti on s’aperçoit qu’il a oublié son ceinturon ! Émoi de sa Mère qui court après la voiture presque jusqu’à Cheppes, mais impossible de le rattraper. Elle rentre fourbue.

6h soir  Temps gris maussade. Travaillé à mon courrier, envoyer et à enlever, etc…  et porté le tout à Vitry-la-Ville. Dans cette localité nous avons rencontré 2 prisonniers allemands, devant lesquels Maurice qui m’accompagnait est tombé en arrêt ! C’était les premiers qu’il voyait, et de leur dire avec flegme : « Sales Bêtes !… » et c’est tout ! il continue sa route ! content de leur avoir dit ce qu’il avait sur le cœur !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Samedi 19 – Visite de l’Aumônier de la 68e Division m’informant que cette Division partira demain ; Service projeté impossible. Visite de l’Abbé Jean Leflon, rapatrie de Vouziers, qui me raconte comment, une nuit, il a déterré et fait sécher sur le parquet les titres du Petit Séminaire qu’il avait enterrés dans le jardin de ses parents à Vouziers. Sur le conseil de M. l’Archiprêtre de Vouziers, il les confia à un aumônier militaire allemand(1), sûr, qui au péril de sa vie les porta à Sedan et les remit à M. l’Archiprêtre Delozanne

(1) De tels gestes d’entraide entre des membres du clergé ne sont pas rares et on en retrouvera d’autres exemples au cours de la seconde guerre mondiale.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Samedi 19 octobre

Le recul allemand continue sur le front belge, entre la mer du Nord et la Lys. L’avance est de vingt kilomètres sur un front de plus de cinquante.
L’armée belge est entrée dans Ostende. La cavalerie est aux portes de Bruges. Elle a occupé également Ingelmunster.
La deuxième armée anglaise borde, au nord de Courtrai, la Lys, qu’elle a franchie au sud de cette ville, arrivant aux abords de Tourcoing.
Les troupes anglaises et américaines ont attaqué, sur un front de quinze kilomètres au nord-est de Bohain. A droite, l’avance est de trois kilomètres. Nos alliés ont traversé les hauteurs boisées à l’est de Bohain et ont pris Andigny-les-Fermes. Plus au nord, elles ont enlevé la ligne de la Selle. A gauche, elles ont nettoyé la partie est du Cateau.
Les troupes anglaises ont pris Douai. Lille a été encerclée et occupée.
Dans la région de l’Oise, les troupes françaises ont mené de vives attaques entre la forêt d’Andigny et la rivière. Elles ont progressé, enlevant le Petit-Verly, Marchavenne, atteignant les lisières nord de Grougy et d’Arsonville, ainsi que les abords d’Hauteville. Sur la rive gauche de l’Oise, nous nous sommes emparés de Mont-d’Origny. 1200 prisonniers ont été faits.

Source : La Grande Guerre au jour le jour