Louis Guédet

Mardi 15 octobre 1918

1495ème et 1493ème jours

9h matin  Temps gris comme hier, brumeux sans pluie. Rien de saillant depuis hier, nous avançons toujours, à grands pas. Les journaux mettent en sourdine à la gaffe de Wilson ! quel illuminé ! La Paix ! oui quand nous aurons ruiné, pillé, démoli la 1/2 de l’Allemagne et de la Prusse, on pourra peut-être en causer. Il faut que les sauvages sachent comme c’est bon la Guerre !…

Le lieutenant du 51e d’Artillerie que nous logeons vient de partir, ils vont cantonner à Moncetz. Commun, insignifiant. Il n’a pas de nerf cet homme-là !

Maurice a encore rêvé cette nuit, c’est un peu comme du somnambulisme ! cela dure 1/4 d’heure une 1/2 heure, les yeux ouverts appelant sa Mère, causant, effrayé, me voyant en flammes, ou disant à sa Mère qu’elle est gentille. Cela m’impressionne beaucoup. Si Madeleine va à Paris je lui demanderais qu’elle voie Guelliot pour cela.

5h soir  Comme nous déjeunions, Robert nous arrive à bicyclette ! Son groupe vient de quitter Montcheutin près de Senuc, Grandpré, Termes et est cantonné jusqu’à ce soir à St Memmie où sa batterie du 288e cantonne dans le petit séminaire. Il nous reste jusqu’à 2h et nous le reconduisons jusqu’à St Germain-la-Ville d’où il repart à St Memmie à bicyclette pour être revenu à 4h. C’est son capitaine, Butor, (qui n’en n’est pas un !) qui sachant que nous n’étions pas loin lui a permis de venir jusqu’ici ! Il était enchanté. Un seul regret Jean n’était pas là, les 2 frères auraient été heureux de se revoir. Il nous a dit que Souain, Sommepy ont été très durs pour nous, beaucoup de pertes, le 118e d’infanterie est réduit à rien.  Mais il dit que les allemands ne se font plus d’illusions.

Le bruit de l’armistice a couru fortement dans leurs rangs, on a même tiré le dernier coup de canon !! à 11h du soir avant-hier !!…

Je l’ai reconduis jusqu’à Cheppes et je suis allé de là à Togny où j’ai vu le Maire de Reims. Il revenait de Reims. Son impression est qu’il y a encore quelques maisons, plus qu’on ne le croyait.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils


Cardinal Luçon

Mardi 15 – Visite de M. le Lieutenant-Colonel Guitton, de la 5′ Armée, excellent homme. Visite de M. Camu et de M. Lecomte qui soupent à Ay.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mardi 15 octobre

Nous avons pris la Fère. Laon a été également occupée et 6500 civils y ont été délivrés. A l’est de la Fère, nous bordons la rive sud de la Serre, jusqu’à la station de Combes.
Notre ligne passe par Couvron et Aumescourt, Vivaise, Aulnoy-sous-Laon, Gizy et Marchais. Plus à l’est, elle atteint les abords du camp de Sissonne.
Engagements nombreux entre les détachements britanniques avancés et ceux de l’ennemi, sur la ligne de la Selle. Les têtes de ponts de nos alliés ont été élargies.
Ils occupent un faubourg de Douai, Courelles-lès-Lens et Noyelle-Godault. Ils s’avancent vers le canal de la Haute-Deule, entre Douai et Vendin-le-Vieil.

Après la prise de Cambrai, la tâche qui a été assignée aux Britanniques par le commandant en chef des troupes alliées a été la réduction du saillant Lille-Douai. Les troupes du maréchal sir Douglas Haig se sont mises à l’oeuvre avec ardeur et dès le 15 octobre, la chute de Douai était considérée comme certaine.

Source : La Grande Guerre au jour le jour