Louis Guédet

Mardi 2 juillet 1918

1390ème et 1388ème jours de bataille et de bombardement

11h matin  Toujours un temps très chaud, sécheresse désespérante. Le ciel roule des nuages d’orage noir-blancs, mais cela nous donnera-t-il de la pluie ? Et puis pour la rentrée des foins il faudrait encore 7/8 jours de ce temps. J’ai préparé ce matin mes notes et papiers pour mon voyage de Châlons. C’est à peu près au point afin que je ne perde pas de temps, mais qu’il fait donc lourd. Hier j’étais très fatigué et affaibli pour avoir cloué 2 ou 3 bouts de planches à la porte du fond du jardin !!!

5h1/2 soir  Été à Songy porter des lettres, rentré exténué. Il me semble que je m’affaiblis de plus en plus.

Lu sur l’Écho de Paris la mort de Georges Pilotell, membre de la Commune 1870-71, graveur et peintre, décédé à Londres (Georges Pilotelle, caricaturiste sous le nom de Pilotell, né en 1845 et décédé le 29 juin 1918 à Londres). Il avait travaillé dans les ateliers de Gérôme (Jean-Léon Gérôme, peintre et sculpteur (1824-1904)), quand il s’est jeté dans les affaires de 1871 où il fut condamné à mort. Je croyais même qu’il avait été exécuté. C’est à vérifier, ne serait-ce pas son fils ? Il s’était surtout fait remarquer par ses pillages durant les journées de mai 1871. On l’avait même surnommé « Pille-Hôtels » ! Il avait un réel talent, et ses 12 gravures de types de la Guerre 1870-71 sont rarissimes. Il n’en n’existe plus que 3 ou 4. J’en ai une, une autre est dans la famille de Bismarck, une au Prince de Radziwill, et une au British Museum de Londres qui a été payé 7 ou 800 F.

Nous allons sans doute avoir des troupes. Je lis dans le « Matin » d’aujourd’hui que les allemands auraient exhibé à Cologne des prisonniers américains dans une cage en verre !! Ce n’est pas cela qui apaisera la haine des Américains contre les Boches. Les officiers du 167 américains cantonnés ici nous disaient que leurs hommes ne faisaient pas de prisonniers. Ils ajoutaient : « Quand vous lirez dans les journaux que nos soldats ont fait 100 prisonniers vous pouvez dire qu’ils en ont tué 1 000 qui se rendaient… » Je souhaite que cette affaire de Cologne soit exacte. Nos alliés seront encore plus impitoyables. Ils auront raison, si jamais je pouvais aller en mission en Prusse, je ne cesserais d’en tuer pour le plaisir et les massacrer.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Mardi 2 – Visite de M. Berlioz, Aumônier militaire, et d’un lieutenant, qui apporte un calice échappé à l’incendie de la maison de M. Mathieu, rue Courlancy

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mardi 2 juillet

Grande activité d’artillerie entre l’Ourcq et la Marne et dans la région à l’est de Reims.
Les aviateurs britanniques ont attaqué l’aérodrome allemand de Frescaty, mais la mauvaise visibilité n’a pas permis d’observer les résultats. Ils ont attaqué également et avec succès, malgré de mauvaises conditions atmosphériques, la Badische Anilin und Soda Fabrik, à Mannheim. Des grosses bombes ont été lancées : six d’entre elles ont éclaté sur l’usine.
Cinq aéroplanes allemands ont attaqué l’escadrille assaillante au-dessus de l’objectif. Trois aéroplanes allemands ont été contraints d’atterrir : deux d’entre eux étaient désemparés. Tous les avions anglais sont rentrés.
Sur le front occidental, 17 aéroplanes allemands ont été abattus, et 6 autres contraints d’atterrir, désemparés.
Les avions et ballons britanniques ont coopéré avec l’artillerie, réglant efficacement le tir contre les batteries et les dépôts de munitions ennemis. Un grand nombre d’explosions et d’incendies a été constaté.
Des photographies ont été prises et de nombreuses reconnaissances faites de jour et de nuit. 22 tonnes d’explosifs ont été lancées en un jour sur différents objectifs; 14 tonnes et demie ont été lancées au cours de la journée suivante.
Nos équipages de chasse ont abattu 15 avions et mis 19 autres appareils hors de combat.
Nos bombardiers ont jeté 47 tonnes d’explosifs ou de projectiles sur les champs d’aviation de la Somme et 5 tonnes et demie sur des troupes allemandes concentrées autour de Cutry.

Source : La Grande Guerre au jour le jour