Louis Guédet

Vendredi 23 août 1918

1442ème et 1440ème jours de bataille et de bombardement

8h matin  Temps magnifique. Nuit étouffante et encore une journée torride à passer. Quand donc aurons-nous de la pluie pour rafraîchir un peu cette température sénégalienne. Par ces nuits où il fait aussi clair que dans le jour en pleine lune, je suis surpris que nous ne soyons pas visités par les avions allemands. Je crois qu’ils ont autre chose à faire avec les croupières qu’on leur taille en ce moment.

7h1/2 soir  Dans mon courrier lettre de l’officier d’administration Raux qui m’annonce que par Décret du 18 à l’Officiel du 21 août 1918 nos justices de Paix de Reims sont transférées à Vitry-le-François, et me propose de le voir lundi, soit ici, soit à Vitry pour en causer et nous organiser. Je lui réponds télégraphiquement de me téléphoner ce soir à 7h ou demain à 11h du matin ou 7h du soir pour nous organiser afin d’aller ensemble à Vitry lundi pour voir le Président du Tribunal de Vitry et le Procureur de la République et organiser nos audiences, tant civiles que militaires. Je demanderai à l’Intendant Général de me donner un commis greffier militaire en subsistance à Vitry pour éviter toutes complications. Enfin nous verrons. En tout cas c’est un point acquis dont je suis très content, Vitry étant à ma porte. En attendant que notre Tribunal Civil suive mon exemple et vienne tenir ses audiences aussi à Vitry.

Après-midi été à La Chaussée avec André et Maurice à bicyclette voir les Soudant et les de Vaucresson. Trouvé Jeanne Soudant seule à la maison avec les enfants. Causé. Suzanne de Vaucresson était sortie chez les Remy. Son mari est en ce moment à Ville-sur-Tourbe et vient de temps en temps à La Chaussée, aussi ai-je l’espoir de le voir un de ces jours. Sa femme devant me prévenir de sa présence à La Chaussée. Passé en quittant Jeanne chez les Remy où j’y ai trouvé Suzanne. Causé un instant et ensuite parti de là pour Vitry-la-Ville en passant par la petite route longeant et surplombant le canal et la Marne. Promenade charmante et peu fatigante, la vue est magnifique sur notre prairie, traversé Omey à la sortie duquel nous remarquons le monument élevé par le Souvenir Français par les soins de l’abbé Favre, un de mes anciens professeurs, curé de Pogny, à la mémoire du Colonel Charlet et de ses soldats qui ont soutenu un combat assez violent en février ou mars 1814 contre les troupes de Yorck, après les combats de St Dizier et l’avance des alliés sur Paris (Ce monument est situé entre Pogny et Omey, il a été inauguré le 2 mai 1914 à la mémoire du Colonel Charlet et de ses hommes du 155e de Ligne à la mémoire de leur combat du 3 février 1814).

Arrivé à Pogny nous le traversons en partie, passons la Marne et le canal en suivant cette jolie chaussée insubmersible de Pogny à Vitry-la-Ville bordée de haies. On se croirait en Normandie aux bords de la mer. A Vitry-la-Ville arrêté à la Poste voir le communiqué. Là on me dit que Raux m’a téléphoné, répondant à 5h à mon appel pour 7h, et il était 6h1/2. La Receveuse des Postes me dit que ma femme a répondu et qu’il a été convenu qu’il me rappellerait demain à 11h. J’essaie néanmoins à le toucher, mais on me répond de l’Intendance de la 6e Région à Châlons que cet officier est absent. Je fais confirmer notre conversation téléphonique pour demain à 11h. Rentré à St Martin, les enfants enchantés de leur promenade. Orage, dont nous n’avons que du vent et quelques gouttes de pluie, avec de violents coups de tonnerre et des éclairs effrayants. Magnifique spectacle que nous contemplons jusqu’à 10h. Cet orage s’est divisé en 3, coulant vers St Dizier et la vallée de la Marne, vers Revigny, Sermaize, la vallée de la Saulx et un autre vers Verdun.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils


Cardinal Luçon

Vendredi 23 – Visite de M. Guillet du Secours National. Écrit au Marechal Foch36. Visite de M. le Maire d’Ay ; des Sœurs de S. Vincent de Paul de l’hôpital et de l’orphelinat. Voyage de Mgr Neveux et de M. Compant qui accompagnent M. Guillet à Hautvillers, lequel distribue quelques choses utiles aux habitants. Chaleur intense : 28° au nord et à l’ombre

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Vendredi 23 août

Nos troupes ont maintenu le contact avec l’ennemi.
Lassigny est tombée. Nous avons atteint le Plémont, Thiescourt, Cannectancourt et Ville et touché à la Divette.
Nous bordons l’Oise à l’est de Noyon depuis Sempigny jusqu’à Bretigny. Plus à l’est, nous nous sommes emparés de Bourguignon et de Saint-Paul-au-Bois et poussons au nord de ce village. Nous avons atteint l’Ailette à la Quincy-Basse.
Les Anglais ont réalisé des gains nouveaux, en dépit de violentes contre-attaques ennemies, entre la Somme et l’Ancre.
I1s ont fait de 2 à 3000 prisonniers et capturé des canons. I1s ont progressé au nord-est et à l’est de Merville et sont aux lisières de Neuf-Berquin. I1s ont attaqué et capturé une forte position ennemie au nord de Bailleul.
Une violente contre-attaque tentée par les Allemands contre la ferme de Locrehof, au nord-ouest de Dranoutre, a été repoussée après un vif combat.
Les Italiens ont repoussé toute une série d’attaques autrichiennes sur leur front.

Source : La Grande Guerre au jour le jour