Louis Guédet

Dimanche 21 avril 1918
1319ème et 1317ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Temps gris couvert mais beau. Quelques lettres, j’ai répondu, de Mgr Neveux qui m’apprend que le cardinal, lui et M. Compant se sont réfugiés à Hautvillers dans la Propriété de M. Chandon, tout au moins pour l’été. Il m’invite à y aller un jour, et même d’accepter à déjeuner avec S.E. (Son Eminence). Je verrai si je ne pourrais pas le faire un jour que mon audience ne sera pas trop chargée. Lettre de M. Millet, mon expéditionnaire, qui est toujours à Dinan. Il s’amuse beaucoup de la fuite éperdue des Parisiens qui arrivent en masse. Il ajoute philosophiquement : « Qu’est-ce que ce serait si cela avait été à Paris comme à Reims !! »

Été à Togny, vu le Docteur Langlet qui m’a confirmé les incendies que les journaux ont signalés. Tout le centre du vieux Reims est incendié. Il en paraissait très affecté. Et comme moi cette fois il désespère de voir Reims se reconstruire et encore bien moins revenir à sa splendeur d’antan. Vu là le nouveau Procureur de la République de Châlons-sur-Marne, M. Guérin, un Procureur de la République, rien de plus, qui n’écoute rien et ne comprend pas. Rentré fatigué et fort attristé de ce que j’ai appris sur Reims. Que ferai-je ? Que dois-je faire ? Quand y retournerai-je ? Qu’irai-je faire ?

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Dimanche 21 – Répondu ä Mgr Baudrillart que je ne veux à aucun prix retarder son entrée à l’académie où il est si digne de siéger. Répondu à M. Mithouard, à M. de Talode pour l’Académie, où Ton me presse de poser ma candidature. Fête militaire des vainqueurs à Lassigny1. Le Général Gouraud vient les féliciter. Visite du Général Gouraud et du Général de Salins2, Commandant la 38e Division, et du Colonel Régnier, venus pour la fête militaire dans la cour de l’Abbaye d’Hautvillers, partisans ardents de mon entrée à l’Académie, afin que cette admission récompense le Clergé, comme l’entrée du Maréchal Joffre récompensait l’Armée. C’est navrant que je n’aie pas accepte, disent-ils. Effet produit sur les neutres. Répondre à Mgr Baudrillart.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
1 A Lassigny, les 24 et 26 mars, la contre-attaque française du groupement Robillot avait bloqué l’avance allemande au Sud de la poche creusée dans les secteur britannique
2 Général Guyot de Salins. A l’automne 1916, il commande la prestigieuse 38e Division (4e Zouavez, 4e mixte de Zouaves et de Tirailleurs, 8e Tirailleurs) qui reprend à Verdun les secteurs de Douaumont et de Vaux. En octobre 1917, il remporte la victoire de la Malmaison sur le Chemin des Dames (le Fort étant pris par le commandant et futur général Giraud).

Dimanche 21 avril

Aucune action d’infanterie sur notre front.
La lutte d’artillerie a été très active dans la région Castel-Grivesnes et sur la rive droite de la Meuse.
Sur le front britannique, les attaques ennemies au sud du mont Kemmel ont été repoussées complètement. D’autres assauts, lancés par les Allemands dans ce secteur, ont été brisés par les canons et les mitrailleuses de nos alliés.
Ceux-ci, au cours d’opérations de détail, ont fait quelques prisonniers et capturé des mitrailleuses.
Il a été établi que des régiments appartenant à six divisions différentes ont été engagés dans les attaques infructueuses déclenchées par les Allemands dans la région Givenchy-Saint-Venant. Le combat, à Givenchy et ailleurs, s’est terminé par l’échec complet de l’ennemi qui, après des assauts coûteux et poussés à fond avec une extrême énergie, n’est parvenu à prendre pied que sur un ou deux points limités dans les défenses les plus avancées. Il est certain que les Allemands, avant l’assaut, ont été extrêmement éprouvés par le feu de l’artillerie et que leurs pertes, pendant le combat, n’ont pas été moins lourdes.
Sur le front d’Asiago, des détachements italiens ont exécuté des coups de main heureux contre des positions avancées, infligeant des pertes sensibles et contrôlées à l’adversaire auquel vingt-trois prisonniers ont été capturés.
Un avion autrichien a été abattu près de Rotgo par une batterie anglaise contre avions.
En Macédoine, nous avons bombardé les campements ennemis au nord de Serès.
Source : La Grande Guerre au jour le jour