Louis Guédet

Dimanche 12 août 1917

1065ème et 1063ème jours de bataille et de bombardement

10h  La nuit a été calme et j’ai pu dormir à partir de 11h, à moins que je n’ai rien entendu ! Ce matin réveillé en sursaut à 6h3/4. Je m’habille en hâte pour la messe, croyant être en retard, et…  j’arrive à l’offertoire de la messe de 6h1/2 du matin. En sorte que j’assiste à une messe et demie. L’abbé Divoir officiait, messe de paroisse ordinaire avec de moins en moins de monde. Aperçu Gustave Houlon et de Bruignac, toujours aussi guindé et aussi rempli de sa personne. La noblesse sans la valeur ! Rentré à la maison désemparé, et toujours aussi douloureusement attristé, si je m’écoutais je pleurerais continuellement. Non ! Cette agonie est trop longue et atroce. Je ne crois pas que j’aurais le courage d’entreprendre ici le 4ème hiver !! Je ne puis plus résister aux obus ! (Rayé et troué) au grand plaisir à (rayé). Ce n’est pas comme cela qu’on s’obtient quelqu’un (rayé). Justices, (rayé) une récompense si (rayé).

5h1/2 soir  Voilà ma journée de dimanche tirée. J’ai travaillé, fait des affaires de capacité de petit clerc pour tuer le temps, mais j’en ai assez de cette vie. Je suis de plus en plus découragé, dégouté de la vie. Une loque ! Bon Dieu quand donc serai-je mort ?!… Reçu lettre de Madeleine qui est loin de me tranquilliser sur mes 2 Grands qui sont très exposés devant Verdun d’après ce qu’ils lui écrivent. Bien entendu, il aurait été étonnant que je sois tranquille de ce côté. A moi toutes les peines et tourments et aux lâches toutes les joies et chances. (Rayé) de l’espèce des (rayé). Ah ! à ceux-là il (rayé) clique !!

6h1/2 soir  Porté mes lettres, une dizaine, sans compter celles de ce matin, j’en compte en ce moment 15 à 20 en moyenne par jour. Les dernières 7 promotions sur modèle préparé et 7 lettres d’envoi !! J’en étais abruti. Vers 3h un officier et un soldat m’accostèrent sur ma porte pour me demander où se trouvait la maison du Docteur Lambert (pour le voir ?!) (ce médecin était mobilisé) Comme je leur répondis que je ne pouvais leur donner ce renseignement que sur un mot du docteur lui-même, ils tombèrent de leur haut et la trouvèrent mauvaise. Je leur fis alors comprendre que si j’étais si discret je le faisais avec juste raison, même avec des galons !! et pour cause ! (pillages) Je crois qu’ils ne la digèreront pas facilement. En tout cas ils peuvent conter leur aventure, cela fera peut-être réfléchir leurs collègues et comparses !

Demain matin à 6h1/2 je vais faire un inventaire à Nanteuil- la-Fosse (Nanteuil-la-Forêt depuis le 8 février 1974), décès Macquart, pour mon malheureux confrère Montaudon. J’y vais en voiture avec Barré son principal clerc. Ce va m’être un repos et une distraction s’il fait beau comme je le suppose. Si seulement c’eût été il y a 5 mois j’aurais pu voir mon cher Robert qui y a cantonné 15 jours avant d’aller à Berry-au-Bac… Jeudi je dois aller à Ormes pour une succession Cousina – Suply, et je pense, après avoir expédié mes archives, pouvoir partir le 19 à St Martin me reposer ! Hélas pour recommencer ma vie de misère après !! Que je suis donc profondément dégouté de la vie, de cette existence où je n’ai qu’écœurements et souffrances, et jamais une consolation, un encouragement, une joie !! Je suis Maudit !! Fatalité ! Voilà ma vie.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

11 au 15 août 1917 – Voyage à Épernay.

Les avions ennemis effectuant, depuis quelque temps, de fré­quentes incursions sur Épernay, où leurs bombardements ont fait d’assez nombreuses victimes et mis la population en émoi, je vais, au cours d’un congé de quelques jours, faire mes adieux à ma famille, sur le point de quitter la ville, pour se rendre à La Châtre (Indre).

Je désire ardemment que ma femme et mes enfants trouvent enfin, dans cette région éloignée, avec la sécurité complète, le calme, le repos qui leur sont devenus si nécessaires à tous.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Une ambulance à Épernay

Cardinal Luçon

Dimanche 12 – Nuit tranquille. Prédication aux soldats du 174e ; 2e ba­taillon, à Saint-Jacques, abbé… Dîner avec les officiers. Visite du Président de la Jeunesse Catholique de Haute-Saône. Obus vers 4 h. 1/2. Obus sur l’église Saint-Remi : 2 tués. 8 h. soir + 20°.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Dimanche 12 août

En Belgique, la lutte d’artillerie s’est maintenue très vive au cours de la journée.
Au nord de Saint-Quentin, une tentative nouvelle des Allemands sur nos positions, à l’est de Fayet, a été arrêtée net par nos feux.
En Champagne, l’activité des deux artilleries s’est un peu ralentie dans la région des Monts. Durant la nuit, les Allemands, en même temps qu’ils attaquaient vainement dans le secteur du Cornillet, ont, par deux fois, attaqués nos tranchées au mont Haut. Les assaillants pris sous nos feux ont dû refluer vers leurs tranchées de départ. D’autres tentatives sur le mont Blond ont subi le même sort.
Deux avions allemands ont été abattus par nos pilotes.
Notre aviation de bombardement à bombardé l’aérodrome de Schlesladt et les baraquements de la forêt d’Houthulst.
Sur le front britannique, un violent combat s’est engagé pour la possession des importantes positions que nos alliés avaient enlevées à l’est d’Ypres. Nos alliés ont gardé la totalité de leurs lignes et réalisé une nouvelle avance sur la route d’Ypres à Menin.
Les Russes ont rejeté une offensive dans la région de Brody. Les Russo-Roumains ont brisé une offensive sur la Sereth. Les Roumains ont reculé sur la Dobra et au sud-ouest d’Oves.
M. Henderson, ministre socialiste du cabinet anglais, a démissionné à la suite de la décision prise par son parti d’aller à la conférence de Stockholm.

Source : La Grande Guerre au jour le jour