Louise Dény Pierson

23 mars 1917

Cette année commence par un hiver particulièrement rigoureux : pieds gelés dans les tranchées, vin gelé dans les bidons pour les poilus.
Au début du printemps, le front, jusque-là relativement calme, s’anime rapidement.
Les bombardements sur la ville deviennent plus
fréquents, toujours aussi dispersés et inopinés.
Un jour, M. Mavet, beau-père de ma sœur Emilienne, arrive tout pâle chez nous : Blanche (son épouse) vient d’être blessée, une balle de schrapnell dans le bras, elle est soignée à l’ambulance. Il nous annonce :  » Je ne veux plus rester à Reims. Nous allons partir « .

Ce texte a été publié par L'Union L'Ardennais, en accord avec la petite fille de Louise Dény Pierson ainsi que sur une page Facebook dédiée :https://www.facebook.com/louisedenypierson/

 Louis Guédet

Vendredi 23 mars 1917

923ème et 921ème jours de bataille et de bombardement

8h matin  Nuit calme, ce matin de la neige partout, il y a en ce moment 0°, mais le soleil est rayonnant. Tout cela va fondre rapidement, mais il fait réellement froid.

5h1/2 soir  Bombardement vers le 3ème canton ce matin vers 9h1/2. Été Tribunal, pas d’affaires civiles. Dans mon courrier je trouve une lettre de Mme Minelle qui insiste pour que je vienne la voir à Paris dimanche. Je pars donc demain matin. Fièvre de lettres et de préparation de départ. C’est toujours toute une affaire pour mettre tout au point d’attente. Lettre de ma femme qui souffre, je le sens, et moi aussi. Pauvre Robert, pauvre enfant, 19 ans1/2 à peine et il part aller se faire tuer !… Lettre de Narcisse Thomas qui me dit qu’il va voir à mon affaire par Mme Waldeck-Rousseau, tout en regrettant que Briand soit parti, car il n’a rien à refuser à cette dernière, parait-il. Quant au tigre (Clemenceau), il parait qu’il n’y a rien à faire. J’aime autant cela. Bref attendons.

Dans le fatras de lettres d’allocations d’appels, j’en ai reçu une qui n’est pas mauvaise : Le postulant m’écrit pour me dire qu’il ne peut venir à Reims le 28 pour expliquer et plaider sa cause, parce qu’il ne veut pas exposer sa vie, mais qu’en tout cas il s’en rapporte entièrement à mon…  iniquité !!!  il a voulu dire équité !! Bref me voilà déchargé d’un rude poids si on rejette son appel !! C’est un nommé Beaumont, d’Aÿ, peu intéressant du reste.

Après-midi été à la Ville. Causé avec Houlon, Martin, etc…  Sur ces entrefaites est arrivé le chauffeur du sous-Préfet, ce fameux embusqué de Mathieu ! qui venait s’entendre avec Martin pour savoir à quel endroit on pourrait faire la révision des exemptés de Reims et des environs, Aÿ étant trop loin. Pourquoi pas à Reims ?? on proposa Pargny. Non, car on bombarde…  quelquefois…  alors on a eu l’air de pencher pour Gueux !! Comme je m’étonnais de cet excès de prudence, Mathieu naïvement me dit : ce sont les médecins militaires examinateurs qui ne veulent pas venir à Reims !!!…  C’est un comble. Tas de Froussards.

En rentrant je trouve un nommé Viet, mobilisé au 23ème Territorial, qui m’apportait une caisse remplie de valeurs et d’argenterie trouvée chez sa mère qui avait été assassinée cette nuit, rue de la Maison Blanche 34. On dit que ce sont des soldats qui ont fait le coup. Le pauvre garçon est tout désorienté. Je ficèle, plombe et scelle la fameuse boite, la malle a gonflé presque ! et je préviens mon greffier pour remettre le…   je ne serais pas surpris qu’il ne trouvera pas l’occasion de critiquer ce que j’ai pu faire, tout en cherchant à lui rendre service !! (Rayé) va !! S’il fait cela je le remiserai dans les grands prix, il peut s’y attendre. Journée remplie, fatigante, et il faut partir demain à 5h du matin. Pourvu qu’il n’arrive rien durant mon absence !!

Je vais faire ma valise…

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Vendredi 23 – Nuit tranquille. -3° froid ; Neige peu épaisse. Beau soleil. A 2 h., bombes sifflantes (sur batteries ?). Via Crucis in Cathedrali. Visite de M. l’Abbé Troyon, Directeur au Grand-Séminaire, infirmier.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Vendredi 23 mars

Dans la région de Saint-Quentin, escarmouches de patrouilles au nord de Dallon.

Entre Somme et Oise, l’ennemi a tenté de violentes réactions pour nous refouler de la rive est du canal de Saint-Quentin, que nous occupons. Sur le front Clastres-Montescourt, les attaques successives de l’ennemi ont été brisées par nos feux de mitrailleuses qui ont infligé de fortes pertes aux Allemands. Des combats également vifs dans la région à l’ouest de la Fère se sont terminés par l’échec complet de l’ennemi.

Au sud de l’Oise, nos détachements ont franchi l’Ailette en quelques points.

Au nord de l’ Aisne, les Allemands ont renouvelé leur tentative entre la route de Laon et la rivière. Trois attaques sur la ligne Vrégny-Chivres ont été arrêtées par nos tirs de barrage. Notre artillerie de la région au sud de l’Aisne prenant en enfilade les troupes ennemies, leur a infligé des pertes très élevées.

Lutte d’artilleie en Woëvre, dans la région au pied des Côtes-de-Meuse. Une tentative allemande sur la ferme de Romanville, aux environs de Saint-Mihiel, a échoué.

La résistance de l’ennemi augmente sur le front britannique, de l’ouest de Saint-Quentin au sud d’Arras.

Combat sur le front russe le long de la Berezina. Echec d’une attaque ennemie au nord-ouest de Brody.

Le gouvernement provisoire russe a prescrit de garder à vue le tsar et la tsarine à Tsarkoïé-Selo.

Source : La Grande Guerre au jour le jour