Louis Guédet

Vendredi 26 novembre 1915

440ème et 438ème jours de bataille et de bombardement

7h soir  Beau temps et giboulées de neige. Rien de saillant, toujours le calme. Ce matin assez occupé, des courses le soir, souscrit pour les obligations de défense nationale 5% (Ces obligations sont dans un dossier à part) Pas de nouvelles de ma femme. Cela me peine toujours et cependant je ne devrais pas en attendre tous les jours, elle a d’autres choses à gérer. Comme tous les soirs je suis fort triste et las.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Paul Hess

26 novembre 1915. Comme suite au compte-rendu de la séance du conseil muni­cipal donné hier par Le Courrier, nous lisons ceci, dans son numé­ro d’aujourd’hui :

Les contributions à Reims.

Voici le texte de la motion soumise par M. Gustave Hou­lon, au conseil municipal de Reims, tendant à la passation en non-valeur de la cote personnelle et mobilière pour l’année 1915 Cette motion n’a pas été adoptée. Elle aurait cependant écarté toutes les difficultés que ne manquera pas de soulever l’établissement des cotes dans les circonstances actuelles.

LES CONTRIBUTIONS A REIMS. Vu le bombardement métho­dique et presque journalier subi par la ville de Reims depuis près de quinze mois, qui peut l’assimiler à un champ de ba­taille permanent pendant cette période,

Considérant que cette situation terrifiante a motivé et ex­plique l’exode des 4/5 de la population, tandis que le reste des habitants, composé pour plus de moitié d’assistés, a dû cher­cher dans des logements excentriques et surpeuplés, ou dans des refuges souterrains une sécurité relative,

Que les 4/5 des logements fermés empêchent de se rendre compte de leur état de dévastation, mais qu’en raison de la quantité d’obus tombés sur la ville, il n’est pas téméraire de présumer que dans les trois cantons, aucun des immeubles n’est resté indemne des éclats directs, ou des effets des chutes des projectiles ayant anéanti un grand nombre d’entre eux, Qu’il serait souverainement injuste de voir l’administra­tion financière taxer des locaux dont l’administration mili­taire empêche la jouissance par une interdiction de retour,

Qu’il serait au contraire de toute équité que la ville de Reims, ayant supporté plus que sa part des coups de l’ennemi, pût compter sur la solidarité nationale pour le reversement des centimes communaux nécessaires au maintien de sa vie ad­ministrative, en attendant la reprise de sa vie sociale et éco­nomique,

Demande :

Que le rôle de la contribution personnelle-mobilière pour 1915 de la ville de Reims soit admis en non-valeur en raison de l’état de destruction auquel a été soumise la ville pendant l’année.

Suit l’exposé assez long fait au conseil municipal par

M. Gustave Houlon et, pour terminer, cette conclusion du journal :

L’Etat a fait pression sur la municipalité de Reims pour l’amener à accepter le principe de l’exigibilité des contributions durant la délicieuse année 1915. La municipalité avait de­mandé de l’argent à l’Etat pour remplir sa caisse vide. L’Etat lui a répondu : « Je veux bien remplir votre caisse mais à condition que vos administrés me fournissent l’argent. « 

Ceci prouve que si l’on chante volontiers, en haut lieu, les gloires des « cités martyres », l’on s’entend beaucoup mieux en­core à faire chanter leurs contribuables.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos


Cardinal Luçon

Vendredi 26 – Nuit tranquille, rien. Visite de M. Compant. Via crucis in cathedrali. Visite de M. le Docteur Gaube. Visite de M. le curé de Villers-Marmery et de l’Instituteur libre de Verzy.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Vendredi 26 novembre

Combats à la grenade, en Artois et en Lorraine, sur quelques parties du front.
Notre artillerie a exécuté des tirs efficaces sur des emplacements de mitrailleuses dans la région de Frise (vallée de la Somme) et dans la région de Roye, sur la station de Beuvraignes et sur Laucourt.
Canonnade sur l’ensemble du front.
Sur le front d’Orient, nos troupes ont eu un combat avec les Bulgares, à l’est de Krivolak. Les Bulgares ont été repoussés.
Les Serbes luttent vigoureusement entre Prilep et Monastir et dans le secteur de Katchanick.
Aux Dardanelles, les Turcs ont vainement tenté trois assauts contre le front anglais. Ils ont été décimés par les feux de l’infanterie et de l’artillerie anglaises auxquels se joignaient ceux de l’artillerie française. Nos avions ont par ailleurs bombardé la voie ferrée Constantinople – Dedeagatch.
Le grand emprunt 5% a été ouvert dans toute la France.
La Grèce a remis aux alliés une réponse favorable.
L’armée anglaise du golfe Persique s’est avancée jusqu’aux approches de Bagdad. Elle a fait 800 prisonniers. Elle a 2000 morts et blessés.

Source : La Grande Guerre au jour le jour