Abbé Rémi Thinot

20 OCTOBRE :

Je suis dans 1’ express… j’attends le départ… Ce n’est pas la guerre à Paris, n’était que, dans toutes les rues il y a des annonces d’ambulances, pouponnières etc… Puis, j’ai croisé, rue Montmartre, le convoi d’un troupier… Le cercueil est enveloppé du drap tricolore… et derrière, en tête d’une suite restreinte mais fervente, une délégation du Souvenir Français avec son drapeau crêpé… Ce convoi m’a ému.

J’ai été bien reçu au « Temps ». J’ai appris à la « Presse » que Lhermite et Roger avaient été blessés à l’accident de Bouleuse – le tamponnement du C.B.R.

Alors, je pars pour la Savoie. Je ne sais pas me figurer ce voyage.

Extrait desnotes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.

Louis Guédet

Mardi 20 octobre 1914

39ème et 37ème jours de bataille et de bombardement

9h1/2 matin  On s’est battu toute la nuit, ce matin calme. Je vais faire quelques courses, et je reviendrai écrire à ma chère femme. Si je pouvais aussi avoir la force et le courage d’écrire à Marie-Louise et à André ! Pas de nouvelles de ce pauvre Robert ! Mon Dieu si seulement il était reçu.

5h1/4 soir  Vu Madame Léon de Tassigny qui a des nouvelles de son mari qui serait à Chauny !! prisonnier des allemands. Je me suis entendu avec elle pour procurer des subsides à son Père, qui est à Paris. Elle trouve le temps long comme moi et elle croit que nous ne serons pas débarrassés de sitôt des allemands. C’est décourageant !

Elle me disait qu’on parlait qu’ils hiverneraient peut-être aux portes de Reims !! Que Dieu nous préserve d’une telle calamité. Alors il n’y a plus qu’à se laisser mourir. Pour mon compte je n’y résisterai pas.

En parlant nous nous communiquons nos impressions sur les départs, les défections, les fuites éhontées de certains rémois. Comme je lui disais que j’avais pris quelques noms de notables qui avaient fuis : « Oh ! me dit-elle, ils sont trop nombreux, mais c’est plus simple que cela, j‘ai compté ceux des rémois de notre société comme de la vôtre qui sont restés !! Devinez !! » Comme je donnais un assez fort chiffre, elle me répliqua : « Vous êtes trop généreux, il y en a tout et pour tout 37 hommes et 16 femmes, dont 6 avec leurs maris, qui sont restés à Reims ! » J’en suis resté ébahi ! Voilà la bravoure rémoise, la bravoure de ces fiers rémois ! Ils n’ont pas fait de progrès depuis 1814.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

La criée municipale n’a pas eu lieu hier. Voici ce que dit à ce propos Le Courrier.

La criée municipale n’a pas eu lieu hier

Ayant appris que la criée municipale n’avait pas eu lieu hier, nous en avons demandé la raison à M. Elie Gaissier, représentant de l’adjudicataire, M. Bonnard, actuellement à l’armée.

M. Gaissier nous a répondu que certains articles du nouveau règlement municipal lui ayant paru dangereux pour l’adjudicataire, il avait ru devoir prendre l’avis de son patron, avant de continuer la criée dans les nouvelles conditions et qu’en attendant les instructions de M. Bonnard, il jugeait prudent de sa part de s’abstenir.

– Plus loin, le journal a inséré cette note :

CBR

Nous apprenons que les trains de banlieue, Reims, Fismes et Dormans, qui avaient été momentanément supprimés, ont repris leur service hier. L’horaire reste le même.

– Nous avons entendu, aujourd’hui, le bruit d’une fusillade éloignée, venant de la direction de Bétheny ou de Fresne.

Quelques obus seulement dans la journée

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Canonnade peu fréquente, peu de victimes. Journée silencieuse.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Paul Dupuy

Lettre d’Auxerre 16 8bre par laquelle Hélène dit la peine qu’elle éprouve de la mort d’André et la consternation qu’elle a provoquée dans son entourage.

Paul Dupuy. Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre 1914.

Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires


Fismes, la gare du CBR et la sucrerie
Fismes, la gare du CBR et la sucrerie

Gare du CBR de Reims
Gare du CBR de Reims

Mardi 20 Octobre 1914.

Je viens encore d’apprendre une nouvelle qui n’est pas pour me donner de l’espoir. On nous a dit que Charles Noliste avait été tué et ce qui me contrarie le plus, c’est que tu m’avais écrit qu’il était avec toi. Je ne reçois toujours pas de nouvelles et M. Dreyer lui-même a l’air de se cacher quand il m’aperçoit. On dirait qu’il a peur que je l’interroge. Tes parents ont reçu une lettre et Gaston dit dessus qu’il sait que tu as été blessé, mais légèrement. C’est Georges Langlet qui lui a écrit, et il ajoute sur sa lettre : « Tu as raison papa, il vaut mieux que Juliette ne le sache pas ».

Qu’est-ce que c’est qu’il ne faut pas que je sache ? Je m’en doute bien, que l’on me cache quelque chose et ce que je ne comprends pas, c’est que ton papa me conseille de ne plus t’écrire et surtout de ne pas t’envoyer de paquets puisqu’on ne sait pas où tu es. Mais je m’entête, comme cela je pense que s’il t’est arrivé quelque chose, ils me reviendront.

Les journées passent, longues, trop longues même, surtout maintenant qu’il est défendu de passer boulevard Pommery et qu’il faut faire le tour par le boulevard Saint-Marceau. Je vais moins souvent chez nous.

Paul, non plus on n’a pas de nouvelles, mais Marguerite par contre sait que Georges Martinet est prisonnier. Je n’avais pas pensé à te dire que Henry était mort au début de la guerre ainsi que M. Alfred Druesne. Il n’y a rien de gai.

Je te quitte, toujours aussi triste. Je t’aime.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne


Mardi 20 octobre

Les batailles ont commencé le long de 1a côte de la mer du Nord. L’artillerie lourde allemande a canonné les environs de Dixmude en Belgique, mais l’armée belge que pouvait efficacement appuyer l’escadre anglaise, a partout repoussé l’ennemi. Les forces alliées se sont avancées jusqu’à Roulers qui est un point important entre Lille et Ostende.
Les combats se déploient d’ailleurs, et à notre avantage, autour de Lille. Ils sont opiniâtres, et se livrent maison par maison. Au nord et au sud d’Arras, i1s ont duré déjà depuis dix jours.
Nous avons toujours gardé pied en Alsace. Nous occupons les crêtes intermédiaires des Vosges, au-dessus de Mulhouse et de Schlestadt, entre la vallée de l’Ill et la chaîne frontière.
Les dépêches de Petrograd signalent que les troupes allemandes cherchent une ligne de retraite, le front de la Vistule leur paraissant peu favorable. Le contingent des forces russes va d’ailleurs être porté à très bref délai à 4 millions d’hommes.
Les Serbes ont tué encore un millier de soldats aux Austro-hongrois, à proximité de Sarajevo.
L’Italie qui souffre, comme tous les pays, du manque de céréales, a décidé de réduire de plus de moitié les droits sur les blés, seigles et maïs.

Source : La Grande Guerre au jour le jour