Abbé Rémi Thinot

15 OCTOBRE – jeudi ~

J’ai fait visiter ce matin à M. le Curé les dégâts de la haute galerie du chevet. Il a été effrayé du désastre. La galerie est en très mauvais état et les matériaux précipités sur les combles inférieurs ont causé des dégâts considérables.

Nous lisons au Bréviaire le livre des Machabées, où il est tant question de guerre. C’est infiniment de circonstance.

Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.

Paul Hess

Nous pouvons noter aujourd’hui, que la nuit dernière a été assez calme.

– M. J. Lepage, inspecteur de salubrité au Bureau d’hygiène, chargé de l’enlèvement en ville, des chevaux et autres animaux morts, est venu aujourd’hui au bureau de la comptabilité, pour faire régler l’état de paye de ses journaliers-terrassiers. Nous le voyons régulièrement à ce sujet.

J’ai eu la curiosité de lui demander le nombre des victimes dont il a dû surveiller l’enfouissement depuis le début du bombardement.

« 230 à 235 chevaux et quelques autres animaux, tués pour la plupart« 

m’a-t-il répondu.

– Nous nous couchons au bruit du canon ; il en est ainsi presque tous les jours. Ce soir, la fusillade et les mitrailleuses s’entendent encore parfaitement et l’action paraît surtout très active vers le nord et l’est tandis que nos pièces tonnent sans discontinuer dans la direction de la petite montagne, du côté de Saint-Thierry, Pouillon, semble-t-il.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Bombes

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
ob_25ac0e_049

 

Juliette Breyer

Jeudi 15 Octobre 1914.

Mon Charles,

Il sera dit que plus cela viendra et plus j’aurai de peine. Je ne t’avais pas dit que la vieille fille qui demeure près de chez nous nous avait suivi aux caves. Et tu sais, si nous avions su, nous ne l’aurions pas acceptée ce jour là car c’est un vrai venin. Je crois qu’elle nous porte malheur.

Bref, ce matin j’arrive chez nous et elle était venue en même temps que moi. J’aperçois M. Dreyer accompagné de quelques hommes, en autres M. Delcroix qui était venu faire un tour à Reims. M. Dreyer me dit qu’il n’a pas de lettre pour moi et je rentre. Voilà-t-il pas qu’en nous en retournant sur le boulevard, la vieille fille me dit : « J’ai des nouvelles à vous apprendre. Votre mari est blessé ». Voyant le saisissement et la peine qu’elle m’avait faits, elle a ajouté : « Légèrement ». Mais puisqu’elle avançait cette chose là, je lui demandai de qui elle la tenait. « J’ai entendu, dit-elle, Mme Delcroix qui le disait à M. Dreyer avec défense de vous le dire ». Et elle s’empressait, elle, de venir me le raconter.

« Tout le monde a sa peine, me dit-elle, il faut savoir supporter tout. Regardez, moi, si un obus arrive sur ma maison, croyez-moi que je ne serais pas à plaindre ». « Votre maison, lui dis-je, je m’en moque pas mal. S’il me fallait donner tout jusqu’à ma chemise et avoir mon Charles près de moi, je me moquerais du reste ».

Je rentre et maman me réconforte en me disant que c’est peut-être une méchanceté de la vieille. Nous verrons demain.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne

Jeudi 15 octobre

Des engagements ont eu lieu autour de Gand, et les troupes allemandes sont entrées dans la ville. Par contre les forces anglaises ont pris Ypres, après des combats qu’on dit avoir été très vifs. Au nord de l’Oise, nos opérations se poursuivent normalement. Nos progrès sont confirmés dans la région de Berry-au-Bac.
Un communiqué répond aux mensonges que les Allemands s’efforçaient d’accréditer sur les succès de leur cavalerie dans le Nord, et le cheminement de leurs attaques autour de Verdun. Ni d’un côté, ni de l’autre ils n’ont pu enregistrer le moindre succès.
Des corps allemands s’étant avancés vers la Vistule, en Pologne, du côté de Varsovie et d’Ivangorod, les troupes russes les ont vivement pressés et leur ont fait nombre de prisonniers.
Deux des sous-marins allemands qui avaient attaqué dans la Baltique l’escadre russe et coulé le croiseur Pallada ont été coulés à leur tour.
Les Cosaques ont capturé un Zeppelin, près de Varsovie. Ils l’ont amené intact, avec son équipage, dans la capitale polonaise.
Des avions français ou anglais, mais plutôt français, ont survolé Karlsruhe.
Les journaux espagnols annoncent que Krupp prend d’importantes précautions à Essen, contre la possibilité d’un raid des aviateurs anglais.
Le gouvernement belge a adressé un vibrant appel à la nation belge pour exprimer les raisons qui ont déterminé son transfert au Havre.
On annonce que M. di San Giuliano sera remplacé temporairement, au ministère des Affaires étrangères d’Italie, par M. Salandra, président du conseil.
Les Serbes ont infligé de nouveaux reculs aux Autrichiens qui essayaient de franchir une fois de plus la ligne de la Save.
Le procès des meurtriers de l’archiduc héritier d’Autriche François-Ferdinand a commencé à Sarajevo.

Source : La Grande Guerre au jour le jour