Louis Guédet

Jeudi  30 juillet 1914

8H soir  Journée sans nouvelles : on fait le vide ! Plutôt mauvais signe ! Plus de dépêches affichées sans les péristyles des Banques. On est fiévreux en même temps que calme et…  fataliste, avec une pointe de regret si cela ne claquait pas ! Tout le monde sent que c’est une occasion de liquider la situation et la dette de 1870 – 1871. Je vais voir les journaux à la gare.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

éditions Anthropos – Paul Hess travaillait au Crédit Municipal, à l’époque rue Eugène Desteuque, p. 12 en savoir plus

Dans la nuit du 30 au 31 juillet, mon attention en éveil est attiré, de l’appartement que j’occupe avec ma famille, au premier étage, rue de la Grue 7, par un coup de sonnette chez notre voisin M. Erard, lieutenant de réserve au 22e dragons, habitant en face, au n° 12. A la demande « Qui est là ? » faite d’une fenêtre, le visiteur répond qu’il a un pli à remettre contre reçu. C’est un ordre de rejoindre, car au matin, dès la première heure, nous voyons partir le voisin en tenue de campagne. Peu de temps après, je choisis comme but de ma promenade matinale les environs de la caserne Colbert, afin de me rendre compte de ce qui se passe de ce côté.

Lorsque j’arrive, vers 6 h 1/2 sur le boulevard de la Paix, j’y constate un mouvement extraordinaire. Des chevaux, amenés de toutes les directions sont conduits au service de réquisition fonctionnant déjà aux baraquements Seignelay, qui sont séparés de « Colbert » par la rue ds Augustins.

Beaucoup d’allées et venues aussi au 132e. Les voitures régimentaires commencent à s’aligner dans la cour. Visiblement, on est en grands préparatifs de départ.

Je retourne par là vers 13 h . L’atmosphère est fiévreuse cette fois. Les grandes grilles de la caserne sont fermées ; des cyclistes et motocyclistes militaires vont, viennent continuellement et les curieux sont nombreux sur le boulevard.

Il paraît qu’il en est de même aux casernes Neufchâtel, ainsi qu’aux quartiers de 16e et 22e dragons.

En effet, le soir de ce 31 juillet, vers 21 et 22 h, les deux régiments de cavalerie prennent la route de Witry-les-Reims, pour se diriger sur Sedan, dit-on et la même nuit, quelques heures plus tard, c’est-à-dire le 1er août, à 2 h 1/2, le bataillon de Colbert et ceux de Neufchâtel constituant le 132e d’infanterie, partent s’embarquer à leur tour.

Dès le matin, le 1er août, les hommes les plus âgés de la territoriale reçoivent à la première distribution des correspondance, leurs ordres d’appel individuels pour la garde des voies ferrées. La mobilisation générale est affichée le soir, à 17 h ; chacun s’y attendant. Au bureau, deux de nos collègues, Ferry de la réserve de l’active, appelé au 332e et Defauw, de la territoriale, au 46e nous avaient même dit adieu un instant auparavant, sans l’avoir apprise encore officiellement.

Les éditions des journaux de ce même soir, apprennent que l’Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. Le dimanche 2 août 1914 est indiqué, sur les ordres de mobilisation affichés, comme étant le premier jour de la mobilisation et le 3 août, l’Allemagne déclare la guerre à la France

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Le 30 juillet, le journal Paris-Midi parle déjà, paraît-il, de préparatifs militaires chez nous ; son court article est intitulé : « Un conseil de guerre s’est tenu toute la nuit à l’Elysée« . on sait, en outre, que la Russie mobilise à la frontière autrichienne.


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