Mon cher Raoul,
Enfin, vas-tu te dire, ce renard se décide à m’écrire. Je ne cherche pas à m’excuser., tu ne me croirais pas, peut-être à raison du reste.
D’abord, comment vas-tu, te sens-tu mieux ? Nous avons un temps splendide et les coups de soleil font diminuer mon tase à force de le faire peler. As-tu des nouvelles d’Alphonse ; il m’a écrit il y a une quinzaine, disant être dans mes parages. Je voudrais bien le voir, cela m’enlèverait un peu le cafard.
Le dimanche, quand nous avons un peu de temps, nous jouons au football et nous avons une équipe potable ; 8 d’entre nous ont déjà joué dans le civil et nous matchons le 6e en les […]. Le capitaine nous récompense de nos victoires en nous payant le champagne ou des cigares.Tous les officiers y assistent, le colonel en tête, nous sommes équipés par Willhaus tout en blanc. Le 6e escadron en bleu et parements blancs. Ce sont les souliers réglementaires qui trinquent, tant pis. Deux officiers jouent avec nous, Dans notre équipe, il y a quatre sous-officiers, la population est ébahie de nous voir dans un costume pareil, car ici, le football est inconnu. Ils se figurent que c’est la tenue d’été. Narpollet est toujours avec nous et dirige ses fourgons en père de famille, la pipe à la bouche, il engraisse
As-tu vu la photo de l’équipe ? Je t’en enverrai une grande faite par le capitaine. Sais-tu que nous avons une chienne du nom de Gyp, mère de 7 enfants dont elle ne s’occupe plus, du reste.
Quoi de neuf à Paris ? Les tantes[?] viennent-ils toujours ? Ici, ils viennent rarement, étant trop mal reçus à leur goût. Écris-moi souvent, tu me feras bien plaisir, je t’assure. Et écris longuement surtout. Je crois qu’en fin on va donner un grand coup par ici et que cette race pouilleuse va se remuer rapidement et que nous allons pouvoir recommencer à leur taper dans les reins. Cela nous manque quand on marche, le temps semble moins long.
Au revoir, mon vieux, soigne-toi bien, ne te fais pas de tracas et écris-moi souvent hein !
Je t’embrasse,
Jacques
Embrasse tout le monde pour moi, marraine Marie, etc., etc.