Louis Guédet
Jeudi 1er mai 1919
1693ème et 1691ème jours
7h soir Pluie battante. Triste 1er mai. Ici calme plat. Peu de chômeurs ! Mon courrier s’alourdit toujours ! Je ne le regarde même plus. J’en ai assez ! Et puis pour le résultat que je puis en tirer !! des ennuis et aucun profit. Touzet vient me demander de l’augmenter au bout de 2 mois. Il me demande 500 F par mois au lieu de 400 F. Où va-t-on !! Je les lui accorde, car je sais que je puis compter sur lui !!… Enfin, à la Grâce de Dieu !! Comme quelqu’un qui va se précipiter dans l’abîme je ferme les yeux !…
Car quoique je fasse ! Je ne vois pas comment j’éviterai désastres sur désastres !! Depuis 5 ans je n’ai pas cessé de tomber de catastrophes en catastrophes ! (Rayé) ! Hélas !! et la chance n’est pas faste pour le malheureux paria que je suis !!
Audience à 2h. Conseils de familles. Conciliations dont 2 avec M. Seymat chef de bureau des reconstructions qui va à travers choux (agir en étourdi, sans rien examiner) avec ses employés qu’il renvoie en 5 sec sans s’occuper des lois et des délais de prévenance concernant les congés donnés aux ouvriers !! Il croit encore pouvoir traiter ceux-ci comme si c’était des soldats !! (Rayé) !! Encore un à (rayé) !!
Causé longuement avec M. Raulin, chef de Gare de Reims et son sous-chef, ils m’en ont raconté de bien bonnes sur les militaires !! Ils ont tout fait pour se rendre ridicules et odieux !! Pantins !!
J’avais aussi des réquisitions militaires, mais l’Intendant de Châlons a jugé bon de ne pas venir. A quoi bon se gêner !!! mais je crois que les prestataires ne se contenteront pas de cette désinvolture et que ce galonnard va se faire houspiller, d’autant que je l’ai convoqué à 2 reprises différentes et que mieux est cet âne-là a lui-même convoqué de son propre chef M. Cahen à cette audience sans même m’en prévenir !! Il ne pourra donc pas nier qu’il n’a pas été convoqué !!… Mais allez faire comprendre leur goujaterie à ces pierrots-là !!
Bref l’autorité militaire n’aura jamais manqué l’occasion de faire une bêtise ! C’est la faillite de son prestige !
Je suis fatigué, je vais me coucher. J’ai des lettres à écrire mais je n’y ai ni le cœur ni le courage, je suis si las !! surtout que ma vie misérable ne fait que de continuer et même de s’aggraver, alors ! Je laisse tout aller ! à quoi bon ! essayer de remonter le courant ! quand rien ne vient m’y inciter ni m’y encourager, avec l’espoir de jours meilleurs !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Jeudi 1er – Visite du général Nyessel (1) (sic), d’Epernay (6e Corps, je crois) avec un Colonel, celui qui était à Reims et recueillait des débris de statues de la Cathédrale, ne perirent aut furarentur, et un lieutenant.
(1) De septembre 1917 à mars 1918, le général Niessel fut à la tête de la mission militaire française auprès du Grand Quartier Général Russe. Il a tenté de maintenir la Russie dans l’alliance, avec l’appui de Trotsky, pour continuer le combat contre l’Allemagne. En 1919, il va être chargé d’expulser les Allemands attardés dans les États baltes, nouvellement indépendants.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 1er mai
D’après certaines informations, l’Italie songerait à déléguer M. Luzzatti à la Conférence de Paix.
Le Sénat belge a approuvé un discours de M. Favereau, faisant appel à l’Entente pour que la Belgique obtienne réparation de tous les dommages qu’elle a subis.
M. Bonar Law a été mandé à Paris par M. Lloyd George.
La Finlande a lancé un ultimatum aux bolchevistes.
Les forces gouvernementales d’Hoffmann ont commencé l’assaut de Munich. De nombreuses arrestations de socialistes ont eu lieu à Nuremberg.
L’Entente a sommé les Allemands de retirer leurs troupes de Libau, où un coup d’Etat avait été accompli par les barons baltes, sous leur couvert.
Source : La Grande Guerre au jour le jour