Louis Guédet
Jeudi 3 avril 1919
1665ème et 1663ème jours
1h soir Gelée, beau temps. Lettre fort triste de ma pauvre chère femme qui ne va pas mieux, elle garde toujours le lit… J’aurais toujours tous les malheurs. Jolivet me sachant si isolé et si découragé est venu me voir pendant mon déjeuner. Lui du moins a du cœur. Je vais partir à l’instant pour mon audience ! Puisse-t-elle se bien passer, et avec honneur et dignité pour moi. Et que nulle note discordante ne vienne ternir ma fin de carrière comme Juge de Paix de Guerre de Reims. Au contraire ! Pauvre femme, mes pauvres enfants.
8h soir Mon audience d’installation s’est bien passée, à 2h j’ouvrais l’audience et Fontaine greffier du 1er canton lisait le décret et le procès-verbal de réinstallation. Ensuite je passais aux réquisitions militaires, toutes conciliées. Nous avons fixé une autre audience au jeudi saint, le 17 avril à 2h. J’appelais ensuite le jeune André qui avait volé des bouteilles vides sur le conseil d’un individu x ! Ce gamin de 14 ans n’en menait pas large. La mère séparée de son mari depuis 15 mois avait un bébé sur les bras ! D’où et de qui vient-il !! J’ai secoué la mère et le gosse, qui m’ont promis le premier de ne plus recommencer, la 2nd de mieux surveiller son rejeton !! Ensuite conseils de famille Prévost, Valentin, Lajeunesse et Barbier. Tout s’est très bien passé, je levais l’audience à 4 heures. Rentré chez moi livré à mes tristes et douloureuses pensées ! Je succomberai de chagrin ! Oh ! mon Dieu ! que ce soit le plus tôt possible.
Mot gentil de Guichard qui m’écrit que Jonas le graveur ami de M. Thomas avoué à Paris, qui vient pour dessiner la Cathédrale, aura une chambre à la Maison de Retraite.
Melle Thiérard est rentrée, Alix Sohier va donc partir demain pour Trigny, et gardera la Propriété Mareschal.
Voilà ma journée, encore une journée d’agonie lente passée. Pourvu que ma nuit ne soit pas hantée de cauchemars et d’insomnies terrifiantes et angoissantes.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Jeudi 3 – Arrivée à Rome. Le Pape demande mon Allocution pour la présentation des Veuves de Guerre.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 3 avril
Le Comité des Cinq a continué à délibérer sur les affaires de Teschen. Il s’agit du territoire contesté entre Polonais et Tchèques.
La commission du travail de la Conférence a remis son rapport. Elle a siégé trente cinq fois et établi un texte développé. Elle prévoit la création d’un organe permanent, un bureau du travail, chargé de préparer les progrès de la législation internationale. Ce bureau résiderait dans la ville qui serait choisie comme siège de la Société des Nations. Il y aurait, en outre, une conférence annuelle.
Le rapport préconise toute une série de clauses et se fonde sur les principes suivants: » Le travail ne doit pas être considéré comme une marchandise; à travail égal, salaire égal; les femmes et les enfants doivent être spécialement protégés; les assurances sociales doivent être généralisées; il importe de prendre, sauf exception, la journée de huit heures comme une base de l’effort humain normal. »
Des troubles sanglants ont éclaté à Francfort-sur-Mein où quatre cents arrestations ont eu lieu. Il y a des morts et des blessés. La grève générale recommence dans le bassin houiller de Westphalie. Les extrémistes ont obtenu la majorité aux C. O. S. de Brunswick.
Source : La Grande Guerre au jour le jour