Louis Guédet

Mardi 4 mars 1919

1635ème et 1633ème jours

8h soir  Le temps est excessivement doux, pluvieux sauf quelques rayées pâles de soleil l’après-midi. Ma femme me quitte en larmes à 10h. Du monde, Jolivet, toujours le même, Dondaine, toujours aussi le même, personnel et débrouillard.

Déjeuné tristement. Après-midi visite de Touzet, nous nous entendons et je lui donne pour le moment 400 Francs par mois !! J’en suis effrayé. Il a été vraiment au danger ! Je vais avec lui à la Ville rue Libergier pour lui avoir des passeports pour les siens. C’est prêt, de là je pousse chez les Frères rue de Courlancy pour un certificat de vie d’un moribond, et voir ce brave Colson, notre héroïque commis principal des Postes, chevalier de la Légion d’Honneur un peu avant moi, et qui est sur son lit d’hôpital. Il va mieux. A une trachéo-pneumonie.

Le bas de la page a été découpé.

…Osmont de Courtisigny, mon Procureur, qui fait l’éloge funèbre de Pommier, suppléant de justice de Paix de Châtillon-sur-Marne (Jean Isidore Pommier, instituteur et Maire de Châtillon, décédé le 27 février 1919), et il ajoute : « Il s’est classé, dans la glorieuse phalange des juges de Paix, tels les Guédet, de Reims, Legrand, de Ville-en-Tardenois, qui ont sans faiblir un instant accompli tout leur devoir sous le feu de l’ennemi ».

Autre son de cloche ! à propos de notre aimable Procureur de la République, qui nous quitte pour être Président du Tribunal de Versailles : Hier soir, comme je passais à la Police, rue des Capucins, un sergent me causait de lui : « Oh ! Ce Procureur là on ne l’a jamais vu comme vous sous les bombes ! Quand il était pour venir il nous téléphonait d’Épernay pour savoir si çà bombardait. Puis quand il se décidait, avant de partir coup de téléphone pour savoir s’il le pouvait, puis ensuite de Montchenot : « Peut-on aller à Reims ? » – « Ah ! il en faisait du chichi quand il voulait venir en courant !! Vous n’en faisiez pas autant, vous, M. le Juge ! Quand les obus éclataient dans votre chambre !! »

On ne peut contenter tout le monde !!

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Mardi 4 – Visite de Miss Edith Prance, anglaise, offrant sa camionnette pour aller porter du secours à nos populations rurales. On lui a conseillé de l’offrir à l’Aide immédiate de Visite de M. Arnould de Trigny ; de M… Pompes Funèbres (du Tiers-Ordre).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mardi 4 mars

 

Le conseil supérieur interallié s’est réuni pour entendre le rapport du maréchal Foch. Les experts militaires y étaient présents ainsi que le marquis Saïonji. M. Lloyd George est de retour à Paris.
La France a désigné comme délégués à la commission financière MM. Klotz et Sergent, et à la commission économique, MM. Clémentel et Morel.
Une délégation danoise est partie pour Paris.
Une délégation sénatoriale est arrivée à Metz pour enquêter sur les besoins de la Lorraine.
La nouvelle qu’une révolution se serait produite à Luxembourg est démentie.
M. Wilson a convoqué M. Taft à une réunion contradictoire avant de repartir pour l’Europe, afin de discuter le problème de la Société des Nations.
Le gouvernement allemand, qu’effraie de plus en plus la tournure prise par les événements, vient de lancer une proclamation pour dénoncer le péril d’anarchie. La grève générale semble imminente à Berlin. Trente-quatre villes de l’Allemagne centrale sont déjà en grève. Les troupes gouvernementales sont rentrées dans Halle.
Le gouvernement espagnol met à l’étude un vaste programme de réformes sociales.
Le gouvernement belge a révoqué un haut fonctionnaire, M. Verhees, directeur au ministère de l’Industrie et du Travail, pour avoir prêté un concours actif aux tentatives allemandes qui visaient à rompre l’unité nationale.
Toute une conspiration d’espionnage austro-allemande a été découverte à Prague.