Louis Guédet
Dimanche 30 mars 1919
1661ème et 1659ème jours
7h 3/4 La neige ! il fait froid et cette neige semble vouloir persister ! Nuit de cauchemars et d’insomnies ! Je suis rompu. Je vais aller à la messe de 8h à la chapelle de la rue du Couchant, où on entre par la rue Brûlée !! Et puis après ce sera l’isolement ! la souffrance toujours ! toujours !
9h matin Toujours la neige ! Messe dite par l’abbé Camu et servie par Gustave Houlon. Une 50aine (cinquantaine) de personnes, dont Lelarge et Kanengieser ! Peu de personnes que je connaisse. Du reste c’est surtout la population ouvrière et moyenne qui est revenue ! La riche Bourgeoisie aime mieux rester à Paris ! La vie pour eux n’est pas assez agréable ni confortable ! ( Rayé).
Sermon par l’abbé Camu sur la Récupération des âmes et de la pratique des vertus chrétiennes. Aura-t-il été entendu, compris !! Le monde est si égoïste maintenant !
Quelle dure et triste journée à passer encore ! Que vais-je faire ? J’ai à travailler, à rattraper le retard de mon courrier, mais j’y ai si peu le cœur !! et je suis tellement las.
La neige continue toujours à tomber !! si c’était seulement mon linceul !!
8h soir Travaillé jusqu’à 3h1/2. Porté mes lettres. Eté au commissariat, causé avec Luchesse !! Celui-ci m’a dit que le Général Didier, commandant de Place (Général Léon Jules Didier, en fonction à Reims du 3 octobre 1918 au 10 mai 1920 (1865-1932)), était ennuyé de son arrêté contre les débitants et qu’il lui avait demandé de lui écrire une lettre pour le prier de rapporter cet arrêté !! on n’est pas plus mufle ! Le Galonnard aurait voulu trouver un prétexte pour ne pas montrer qu’il avait fait une bêtise ! Luchesse s’est tenu coi ! bien entendu ! Que la culotte de peau se débrouille !! Ces gens-là n’ont même pas le courage d’avouer qu’ils ont fait une bêtise !
De là été à la Maison de Retraite, 26, rue Simon voir la Mère Ste Thérèse de l’Hôtel-Dieu, Supérieure de Roederer. Heureuse d’être revenue à Reims. Nous avons causé longuement de leur avenir et de leur réinstallation à Roederer, c’est-à-dire toute la Communauté, même les Religieuses qui sont à Cras-Avernas depuis le décret d’expulsion de 1906. L’administration des Hospices est disposée à leur bâtir un pavillon isolé qui leur servirait de couvent, cellules, chapelle, salles, réfectoires, etc… une communauté dans les jardins de l’Hospice Roederer et pour avoir un droit de propriété et de résidence absolu, les Religieuses verseraient une somme pour coopérer à la construction de ce monastère. Elles y rentreraient toutes et soigneraient les malades.
Durant leur séjour à Rouen les Religieuses des Roederer ont suivi des cours d’infirmières chirurgicales et ont obtenu leur diplôme. Elles sont donc en règle et peuvent s’imposer dans nos Hospices. La Mère Ste Thérèse a chargé M. Maitrehut, leur aumônier, et M. Quantelot leur supérieur ecclésiastique, d’en parler à la Mère Ste Pauline, Supérieure Générale à Cras, et il est convenu que j’irai ensuite pour mettre l’affaire pratique au point et à exécution avec l’administration des Hospices et la Municipalité.
J’aurai donc la joie et le bonheur de voir les sœurs Augustines de l’Hôtel-Dieu de Reims revenir dans nos murs et d’y avoir coopéré ! Qu’il y a bien des choses de changées quand je me souviens d’avoir assisté à l’expulsion de ces malheureuses femmes de l’Hôtel-Dieu près de St Remy à 3h du matin en 1906, empilées dans un panier à salade comme des condamnées à mort ! sous les yeux des Godbillon (Jean-Baptiste Désiré Godbillon (1833-1917)), économe, Louvet, administrateur et autres sectaires, Charles Arnould étant maire (Il était en fait décédé deux années plus tôt, en 1904, Maire de Reims de 1900 à 1904, il habitait 37, rue de Talleyrand, domicile de Louis Guédet jusqu’en 1915)!! Que tout cela est loin !! Je l’ai quittée à 6h du soir. Il fait froid, je vais me coucher.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Dimanche 30 – Visite de M. le Préfet de Châlons. Visite de M. le Marquis de Fortou et du Docteur Ferroul, mairede Narbonne, qui reviendront demain apporter une offrande pour les malheureux
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Dimanche 30 mars
Les Quatre ont continué à discuter chez M. Wilson la question des réparations et celle de la frontière franco-allemande.
Réunis au quai d’Orsay, les Cinq, M Pichon, Balfour, Lansing, Sonnino, Makino ont délibéré sur le ravitaillement de l’Autriche allemande. Ils ont pris des mesures pour que les denrées qui seraient adressées à l’Autriche allemande, ne puissent pas être réexpédiées en Allemagne.
Ils ont ensuite nommé une commission chargée d’étudier la levée des servitudes qui pèsent sur le Maroc en vertu de l’acte d’Algésiras. Cette question avait été déjà envisagée par le conseil supérieur allié.
Le bruit selon lequel la mission alliée de Dantzig aurait été internée par ordre des autorités allemandes ne s’est pas confirmé.
Mais l’Allemagne a publié une note par laquelle elle continue à s’opposer au débarquement des troupes polonaises à Dantzig. Elle offre Memel, Libau ou Koenisgberg. Elle rouvre ainsi le débat qui avait déjà abouti à la rupture de Posen. Scheidemann a été définitivement pris à partie à l’Assemblée nationale de Weimar par les réactionnaires et par les socialistes indépendants.
Bela Kuhn, le chef des communistes hongrois, a déclaré qu’il était prêt à négocier avec l’Entente.
La grève des chemins de fer qui avait éclaté à Vienne ne serait que partielle.
Les grèves minières du pays de Galles ne se développent point. Au contraire, il y a eu une reprise du travail.
Le roi d’Italie a décoré le prince héritier de Serbie.
Un cabinet Cardoso se constitue à Lisbonne.
Source : La Grande Guerre au jour le jour