Louis Guédet

Vendredi 28 février 1919

1631ème et 1629ème jours

7h soir  Temps gris maussade, un peu de pluie, lourds nuages, froid. Journée monotone et combien triste. Pas de nouvelles des miens ! Mais quelle lugubre journée ! Je crois que cette vie de misère me rendra fou !! Si encore j’étais sûr du lendemain ! que je gagne de quoi faire vivre les miens ! mais non ! C’est l’inconnue ! et des dépenses de frais généraux pour mon Étude fantastiques ! sans avoir même l’ombre de la certitude de n’avoir pas travaillé pour rien ! Je vais à la ruine comme un noyé qui se sent couler par le fond. Peu sorti, du reste le temps était loin d’y engager ! Vu personne !! Voilà ma journée de solitude !

Ma femme de ménage Mme Michel vient de m’apprendre que…  j’étais… Mort ! oui ! Mort et enterré comme Marlborough ! De braves commères qu’elle a rencontrées ce matin et qui lui demandait où elle allait ainsi ce matin, et en réponse qu’elle allait rue des Capucins 52 chez M. Guédet notaire, juge de Paix, etc…  etc… (elle a la langue bien pendue !! Celui qui lui a coupé le « filet » n’a pas volé ses 5 sous !)

  • Comment ? M. Guédet ? mais il est mort. J’ai vu çà dans la Tribune de Troyes ! quand j’étais à Troyes !
  • Mort ? mais je vais chez lui ! Y n’est pas mort je le vous certifie !!
  • Si il est mort, à preuve que j’lai vu dans l’journal et que Marie elle m’a dit qu’elle l’avait vu aussi !!
  • J’vous dis qu’non ! J’l’ai vu encore aujourd’hui !
  • J’vous dis qu’si !

Bref elle n’a pu les convaincre et la mère Michel a rengainé sa langue !!

Elle était furieuse !!

Soit ! Je veux bien être mort hélas !! je serais certainement moins malheureux !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Vendredi 28 – Visite de M. Muneaux, curé de S. Loup-Terrier ; M. Bouzard rapporte la couronne de N. D. de l’Usine trouvée en son écrin dans la cave de M. le Curé de S. Remi, pillée.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

 Vendredi 28 février

La réunion quotidienne des Dix a délibéré sur un certain nombre de questions.
Les premiers échanges de vues ont porté sur la distribution entre commissions existantes et commissions nouvelles de l’étude des différentes questions des frontières des Etats ennemis. Les conditions d’examen des revendications belges et des problèmes qui s’y rattachent ont été ensuite précisées. Les représentants du conseil supérieur de guerre de Versailles ont été alors introduits pour exposer leurs décisions sur la fixation d’une zone intermédiaire en Transylvanie entre les troupes roumaines et hongroises. Ces conclusions ont été adoptées à la Conférence. On a entendu enfin l’exposé des revendications arméniennes par le président de la délégation de la République arménienne du Caucase, M. Ahrounian, et par Boglios Nubar pacha, pour la question générale arménienne.
M. Wilson est arrivé à Washington.
La Chine a donné communication à la Conférence de la Paix, des accords qu’elle a passés avec le Japon, de 1915 à 1918, et qui ont trait principalement aux chemins de fer du Chantoung.
M. Daniels, secrétaire d’État de la Marine des États-Unis, a prononcé un discours sur la Société des Nations.
Les navires de guerre allemands ne doivent servir à aucune nation, a dit lord Lytton à la Chambre Haute britannique.
Le gouvernement de Weimar prend nettement position contre celui de Munich.
M. Hugh Wallace est nommé officiellement ambassadeur des États-Unis à Paris.
Le frère de l’émir d’Afghanistan, récemment assassiné, a usurpé le pouvoir.

Source : La Grande Guerre au jour le jour