Louis Guédet
Jeudi 16 janvier 1919
1588ème et 1586ème jours
Pris le train à Épernay pour Reims avec Mme Mareschal et accompli le douloureux pèlerinage de celle-ci avec son fils René à la tombe de son mari.
Le cimetière du Nord est littéralement saccagé, il n’y a pas une tombe d’épargnée. Visité la Ville, déjeuné sommairement rue des Capucins, dans sa maison que Mme Mareschal a revue heureuse de la trouver presque intacte. Rentré à Épernay à 6h du soir, dîné à l’Europe avec Mme Mareschal, René et M. Girard l’associé de Maurice Mareschal, causé de la marque Henry Goulet qu’on décide de garder.
Girard m’a conté que la femme d’un officier supérieur, très élégante, était allée dans un grand magasin de lingerie de Paris pour montrer une chemise en demandant si on pourrait lui en faire et fournir de semblables. Le chef de maison reconnu cette chemise et dit à cette femme : « Mais ce sont les chemises de M. Bertrand de Mun, député de Reims, que je lui ai faites en 1914. L’autre ne se démonta pas et dit : « Ah ! vous croyez ?! » mais reprit sa chemise et… fila !! Girard tenait l’aventure de de Mun lui-même !! Le négociant n’a pas été malin, j’aurais fait arrêter la femme.
Il me conte aussi le pillage de ses vins rue Jacquart que j’ai déjà noté plus haut et qui eut lieu dans la nuit du 25/26 novembre 1918.
Une autre histoire, à Châlons dans une maison d’un Châlonnais connu, une dame en visite aperçut une pendule ancienne fort jolie et demanda à la maitresse de séant où elle l’avait eue, celle-ci de répondre : « C’est mon mari qui l’a vue dans une maison de Reims et qui me l’a rapportée en souvenir ! La visiteuse s’approcha et ouvrit le cadran intérieur où elle montra à cette dame peu scrupuleuse, son nom à elle inscrit !! Tableau ! La pendule a été reprise par sa légitime propriétaire. Moi ! J’aurais fait coffrer le galonné et sa femme !
Girard me disait que le Général de Maistre, son ami, et qui avait commandé à Reims durant 1918, lui avait déclaré qu’on lui avait donné l’ordre de faire sauter toutes les caves de Reims et d’abandonner ensuite la Ville aux allemands ! C’est bien la mentalité des militaires !!
Chez Heidsieck-Monopole il y a eu 300 pièces de cuvée défoncées par les pillards, coût 300 000 Francs. Dans les caves de cette maison les pillards avaient poussé le luxe de mettre des flèches d’orientation indiquant : vin sec, vin demi-sec, vin doux, etc… Et à un endroit on peut lire : « Il n’y a plus de vin Extra Dry, inutile d’aller plus loin !! »
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Jeudi 16 – Visite de MP. le Comte d’Haussonville, de MM. Favre, Cochemé, M. Compant.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 16 janvier
La conférence interalliée a tenu une séance pour élaborer le règlement des travaux.
M. Sasonof est attendu à Paris.
M. Antonin Dubost a été réélu président du Sénat par 98 voix contre 66 à M. de Selves et 13 à M. Doumergue. M. Deschanel a été réélu sans concurrent président de la Chambre. Il a été décidé que M. Wilson serait reçu à la Chambre, où un fauteuil lui serait préparé dans l’hémicycle.
Les sœurs de Liebknecht ont été arrêtées à Berlin. Hindenburg commandera les troupes allemandes de la frontière orientale.
Des troubles ont éclaté à Lisbonne, où le gouvernement se dit maître de la situation. De violents combats ont eu lieu également à Porto.
M. Wilson a envoyé un nouveau message au Congrès en faveur de l’Europe affamée.
Paderewski s’efforce de former à Varsovie un cabinet de fonctionnaires qui durerait jusqu’aux élections de la Constituante. Le général Dombor Muzureki a été nommé généralissime de l’armée polonaise. Il est arrivé à Posen avec son état-major.
La grande-duchesse Charlotte à été admise à prêter serment à Luxembourg en remplacement de la grande-duchesse Adélaïde. La république n’a donc pas été instaurée.
Source : La Grande Guerre au jour le jour