Louis Guédet
Vendredi 29 novembre 1918
1540ème et 1538ème jours
3h1/2 soir Pluie battante toute la journée. Bonnes nouvelles de Jean. J’achève de répondre à toutes mes lettres. Lettre de Charles Heidsieck m’annonçant que tous mes vins que j’avais mis à l’abri dans ses caves de la rue de la Justice, toute ma cave, 4 à 5 000 bouteilles de vins fins et 300 bouteilles d’eau de vie, Cognac, liqueurs, etc… avaient été volées, pillées, saccagées. Je n’ai plus de larmes pour pleurer sur nos ruines et sur les épreuves qui m’accablent. J’en ai pris mon parti et m’attend à tout, tout !… J’aurais tout subi !
Je n’attends plus que la mort, après l’effondrement de tous mes espoirs, et de mes droits à un peu de bonheur, de justice et de prospérité ici bas ! La mort me sera une délivrance ! Je l’attends avec mépris et dédain ! Écœuré, révolté, en présence des dénis de justice dont je suis la victime depuis toute ma vie et surtout depuis 1914. Ruines sur ruines ! Injustices sur injustices ! Malheurs sur malheurs, sans un espoir de Justice et de Prospérité ! Voilà mon lot ! Je n’ai plus de larmes pour pleurer !!
Ici sans doute s’arrêteront mes notes de Guerre, à quoi bon continuer jusqu’à la Paix !! Ce ne sera toujours qu’une suite de souffrances, de tortures et de martyres. (Rayé).
La page suivante a été découpée, la première ligne de la page d’après a été recopiée par Madeleine.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Vendredi 29 – Visite de Mme Lancereaux ; de M. le Cure d’Asfeld ; de M. Faralicq; de Mme Pierre de la Morinerie. Visite à Mgr Connolly, en faveur de nos prêtres rapatries, démobilises, qui ne retrouvent ni presbytère, ni mobilier, ni vestiaire, ni bibliothèque. Visite de M. le Curé de Cons-la-Granville
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Vendredi 29 novembre
Le maréchal Foch, accompagné du général de Castelnau, s’est rendu à Strasbourg. Il a passé en revue les troupes d’occupation, puis a traversé la ville à leur tête.
Les troupes anglaises ont continué leur marche en avant sans incident. Leurs détachements avancés ont atteint la ligne Beho-Wervomont-Ayvaille, au sud de Liège.
Georges V a été chaleureusement accueilli à Paris.
M. Ignace, parlant du sort de nos prisonniers devant la Chambre, a déclaré que la France exigerait l’exécution rigoureuse des clauses de l’armistice.
Le docteur Solf, secrétaire d’Etat allemand aux Affaires étrangères, a protesté contre la publication des documents de Munich.
Le docteur Hartmann, représentant de l’Autriche allemande à Berlin, annonce que le gouvernement de Vienne publiera à son tour des pièces diplomatiques.
Les socialistes allemands réclament à nouveau le châtiment des coupables de la guerre. Un mouvement de grève se généralise à Berlin.
M. Wilson s’est rendu à l’ambassade de France à Washington pour fêter la victoire commune.
Les Allemands ont livré 27 nouveaux sous-marins. 114 sont ancrés dés à présent dans le Stoar à Harwich.
Source : La Grande Guerre au jour le jour