Louis Guédet
Samedi 16 novembre 1918
1527ème et 1525ème jours
9h matin Temps magnifique, il gèle très fort. Le Colonel Artigue nous quitte ce matin pour aller à La Chaussée remplacer un collègue, et sa chambre ici est reprise par le commandant qui le remplace. Je suis dans un état de délabrement, de découragement déplorable. La mort pour moi serait une vraie délivrance ! Que faire ? Je ne sais ! De quelque côté que je me tourne je ne vois que des ruines et pour l’avenir la misère !! et le malheur ! Alors ?! Je ne vois plus clair devant moi.
3h1/2 soir Peu de courrier. J’en ai profité pour sortir un peu. Été jusqu’à Vitry-la-Ville porter mes lettres. Il faisait froid à bicyclette malgré le soleil mais le vent venait de l’Est.
Ici toujours la vie morne et triste. Les joies de la Victoire n’ont pas franchi le seuil de ma porte. Aux autres la joie, le bonheur, la prospérité, la fortune, la chance !! A moi et aux miens tout le contraire. Tous les malheurs, toutes les souffrances !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Samedi 16 – Visite de M. de Navarro, Américain, présenté par M. le Lieutenant Le Marder, et M. Greniaux.
J’avais dû lundi 11 écrire au Général Pétain pour lui dire mon désir l’aller porter le salut de mon cœur et le salut de la France à mes diocésains de Charleville et de Sedan dont nous étions séparés depuis plus de 4 ans. II m’envoie passeport pour moi et Mgr Neveux, automobile et chauffeur pour 2 ou 3 jours. Reçu lettre et passeport le samedi 16 à 6 h. soir
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Samedi 16 novembre
On annonce de différents côtés que M. Wilson assistera aux délibérations du Congrès de la Paix.
Une instruction est ouverte en France contre les officiers allemands qui se sont rendus coupables d’exactions et d’autres crimes dans la région du Nord.
M.Georges Maringer a été nommé commissaire de la République à Strasbourg; M. Mirman portera le même titre à Metz, et M. Henry Poulet, à Colmar.
La révolution a été violente à Bruxelles parmi les troupes allemandes. Il y aurait une centaine de morts, dont un grand nombre d’officiers. Des groupements révolutionnaires ont été formés à Bruxelles et à Anvers.
Le kronprinz de Bavière Rupprecht aurait demandé asile au marquis de Villalobar, ministre d’Espagne, ainsi que le baron de Lancken, gouverneur civil de la Belgique.
Les élections anglaises ont été fixées au 14 décembre. Le parti ouvrier anglais a invité ses délégués à sortir du cabinet de coalition, mais les huit ministres travaillistes se refusent à quitter leur poste.
Le Parlement belge se réunira à la fin du mois à Bruxelles.
Le nouveau gouvernement allemand a levé l’état de siège et supprimé la censure. Il a proclamé l’amnistie pour tous les délits politiques et ordonné de procéder aux élections : toute personne de vingt ans de l’un ou de l’autre sexe possédant le droit de suffrage. Une partie des biens de la couronne royale de Prusse ont été confisqués.
L’Arménie sera-t-elle occupée par les Alliés? Cette occupation a été demandée par lord Bryce à la Chambre haute de Westminster.
Le gouvernement espagnol a rompu avec les bolchevistes.
Source : La Grande Guerre au jour le jour