Louis Guédet

Mercredi 11 septembre 1918

1461ème et 1459ème jours de bataille et de bombardement

10h matin  Pluie battante. Quelle triste vie ! De plus en plus déprimante par ce temps de pluie triste et glacial. C’est la mort lente !

6h1/4 soir  Vent toute la journée avec ondées. Du courrier. Lettre de mon confrère Loeillot de Boult-sur-Suippe, qui m’annonce le mariage de son fils Henri, qui était clerc en mon Étude lors de la mobilisation, avec Melle Barbe, de Reims (Henri Loeillot (1888-1959) et Marie Barbe (1895-1983), ils auront 8 enfants). Je suis heureux de ce mariage pour mon ancien clerc. Un fatras de lettres qui me fatiguent. Entre deux ondées été porter mon courrier à Vitry-la-Ville, rapporté un colis postal, et je suis rentré, profondément las. Je n’ai le cœur à rien. Et le travail me répugne maintenant, car je sens que tout ce que je puis faire est en pure perte…  moi qui aimait à écrire à des amis, cela me répugne maintenant. A quoi bon ! Si je meurs je serais si vite oublié.

7h soir  A pareille heure, le 11 septembre 1914, il y a 4 ans, je dinais, me préparais à me rendre comme otage du Prince Henri de Prusse au Lion d’Or. Je me vois encore seul dans notre grande salle à manger blanche de la rue de Talleyrand, 37, qui n’existe plus, dînant d’un potage et d’un morceau de bœuf bouilli entouré de 2 carottes coupées en long et d’un navet. Le morceau de bœuf avait un bout de tirant. Je le vois encore comme s’il était devant moi. Le dîner du condamné à mort qui ne sait ce que sera demain ! Je devais me rendre à l’Hôtel du Lion d’Or à 8h française avait dit le fameux Lündig !! J’allais être l’otage d’un Prince de Prusse (rayé) pour être… !?? Je crois qu’il avait été (rayé) que je le (rayé) !! Il est (rayé) !! C’eût peut-être mieux valu !

Que de tristes pensées ces souvenirs agitent en mon esprit. Et ce n’était que le commencement de mon calvaire !! Si seulement j’en étais récompensé ! Rien au contraire ! Je n’ai que malheurs sur malheurs !!… (Un courrier de M. Bossu en 1919 lui rappelait la chance exceptionnelle qu’il avait de n’avoir eu aucun de ses enfants tué ou blessé pendant la Guerre).

Je viens de voir dans le jardin encore une hirondelle ! une retardatrice ! nous sommes le 11 septembre ! On prétend que c’est signe de bonheur, joie et prospérité ?!! quand elles reviennent !! oui mais aujourd’hui elles s’en vont !! Heur ! malheur !…

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Mercredi 11 – Des papiers du Secrétariat apportés d’Hautvillers par un vicaire de la Cathédrale de Lyon. Visite du Commandant du 100′ qui nous a reçus à Pierry. Visite du Capitaine Michel, d’Ay. Écrit au Cardinal Gasparri pour lui expliquer le retard de la réponse de la Duchesse de Rohan. Visite aux Sœurs de St-Vincent de Paul, de l’orphelinat

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mercredi 11 septembre

De nouveaux progrès ont été réalisés par nos troupes en divers points du front de bataille.
Au nord de la Somme, nous avons pris les villages d’Etreillers et de Roupy. Au delà du canal Crozat, nous nous sommes emparés de Grand-Séraucourt, de Clastres, de Montescourt-Lizerolles et de Remigny. Nos éléments avancés occupent la cote 103 au sud de Contescourt, la station d’Essigny-le-Grand et la cote 117.
Au nord de l’Oise, nous avons pris le fort de Liez, les bois au nord-ouest, la ferme Canlers et la ferme Rouge.
Au sud de l’Oise, nous avons enlevé la Briquetterie et la station de Servais.
Nous avons, d’autre part, élargi nos positions dans la région au nord de Laffaux, ainsi qu’entre Aisne et Vesle, dans la région de Glennes.
Les Anglais ont enlevé les positions allemandes sur le plateau entre Pézières et le bois d’Havrincourt.
Après un vif combat, ils ont atteint l’ancienne ligne de tranchées britanniques sur la crête dominant Gouzeaucourt.
D’autres troupes anglaises ont avancé leurs lignes vers les lisières orientales du bois D’Havrincourt. Elles ont fait des prisonniers.
Des attaques ennemies contre les nouvelles positions de nos alliés à l’ouest de la Bassée ont été repoussées.

Source : La Grande Guerre au jour le jour