Louis Guédet
Samedi 20 juillet 1918
1408ème et 1406ème jours de bataille et de bombardement
4h soir Hier soir je décidais d’aller à Châlons aujourd’hui avec André pour prendre ses livres de classe et moi pour les passeports de Madeleine, Marie-Louise et André. Apprenant que les trains sont rétablis entre Vitry et Châlons, nous partons à 6h et arrivons à Châlons vers 8h. Je visite les zones atteintes par les bombardements par avions de ces 2 dernières nuits avec des bombes incendiaires et des torpilles. Il y a réellement des dégâts. Toute la rue de la Gravière (actuellement rue Prieur de la Marne), à partir de la rue Grande Étape jusqu’à la rue Pasteur, à part 2 ou 3 maisons, est à moitié effondrée. Rue Pasteur. La maison Duhamel, proche de l’hôtel du Général de Corps d’Armée, la maison contigüe, ancienne Trésorerie Générale où j’ai tant dansé il y a 30 ans !! ne sont plus que cendres… De même 3 maisons rue St Jean et rue de Chastillon. Il y a eu une 50aine (cinquantaine) de victimes, tant civiles que militaires.
Je vais à la Place, impasse du Maréchal des Logis de Terline (Jehan de Terline, pilote de chasse sur Nieuport 11, décédé suite à un combat épique le 21 juillet 1916 au-dessus de Massiges-Minaucourt), pour un laissez-passer permanent que j’obtiens très facilement d’un capitaine très courtois ! Quelle différence avec les (rayé) de (rayé) et Cie (Compagnie) !!
Je puis reprendre le train de 9h55, et sur le quai de la Gare, en attendant le train, je cause avec le Capitaine Bauger (à vérifier) qui m’apprend que notre avance vers Soissons et Fère-en-Tardenois est beaucoup plus importante que les communiqués ne le disent, et que la direction actuelle de Mangin (Général Charles Mangin, Commandant la Xe Armée (1866-1925)) et Degoutte (Général Jean-Marie Degoutte, Commandant le 21e Corps (1866-1938)) est Vailly, que de fortes Divisions marchent à l’ouest de Reims vers Fismes, manœuvre qui si elle réussissait résorberait la poche de 45 à 50 kilomètres entre Château-Thierry et Épernay. Ce serait une vraie victoire. Dormans serait évacué par l’ennemi et nous serions en lisière. Beaucoup de prisonniers et de matériels, même des batteries lourdes ! Il me signalait surtout la stupéfaction des officiers allemands en apprenant l’importance des contingents américains dans les opérations actuelles. Ils ne peuvent en croire ni leurs yeux ni leurs oreilles ! Quelle chute ! et quelles désillusions !
M. Bauger me dit aussi que c’est grâce aux aveux de 27 prisonniers faits 2 ou 3 heures avant l’attaque allemande dans la nuit du 15 au 16 que le Général Gouraud a prévenu cette surprise. Bref je crois que nous sommes en bonne position et en bon chemin.
Rentré ici pour 11h, où je ne retrouve que peu de courrier. Par les journaux j’apprends la nomination comme Chevalier de la Légion d’Honneur de mon Procureur de la République M. Osmont de Courtisigny. C’est mérité, mais c’est une grave injustice de commise contre mon ancien Procureur et ami Bossu qui l’a méritée 100 fois plus. En comparaison M. de Courtisigny aura gagné ce ruban bien facilement et sans grand danger ni risque ! Tandis que Bossu, qui est resté près de 3 ans sous le feu des bombardements de Reims à vouloir tenir quand même et malgré les autres juges du Tribunal de Reims, Président Hù en tête. C’est une injustice flagrante, criante et un soufflet gratuit à mon adresse… Cela me peine énormément pour ce pauvre ami ! Tout en n’enlevant rien au mérite de M. de Courtisigny, Bossu méritait cette distinction plus que lui. On a raison de dire que les absents ont toujours tort… Et que ce sont les derniers qui arrivent qui ramassent les lauriers !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Samedi 20 juillet – Visite de M. Divoir
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Samedi 20 juillet
Entre Aisne et Marne, nos troupes, surmontant la résistance de l’ennemi qui a amené de nouvelles réserves, ont réalisé une avance sensible et accru le chiffre de leurs prisonniers. La bataille se poursuit avec acharnement.
A l’ouest de Reims, nos troupes ont mené de vives attaques. Au sud de la Marne, nous avons repris Montvoisin et rejeté l’ennemi aux lisières est d’Oeuilly.
Au nord de la rivière, nous avons réalisé des progrès dans le bois du Roi, ainsi que dans le bois de Courton, entre la Poterie et Pourcy, et porté nos lignes un kilomètre à l’ouest.
Plus au nord, les Italiens ont enlevé le moulin de l’Ardre et conquis du terrain dans la région de Bouilly. Au cours de ces actions, nous avons capturé 4 canons et 30 mitrailleuses et fait 400 prisonniers.
Entre Montdidier et Noyon, ainsi qu’en Woëvre, des coups de main sur les lignes ennemies nous ont permis de ramener une centaine de prisonniers.
Les Anglais ont repoussé des raids dans les secteurs de Villers-Bretonneux et de Morlancourt. Ils ont exécuté des coups de mains heureux aux environs de Bucquoy, de Willerwal et de Locre et fait quelques prisonniers.
Source : La Grande Guerre au jour le jour