Louis Guédet
Vendredi 21 juin 1918
1379ème et 1377ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Beau temps, pluie en partant de Paris que j’ai quitté à 8h. Arrivé à 10h1/2 à Troyes où j’ai vu Dondaine, puis M. Champeaux Président de la Chambre des Notaires de Troyes, Moineau notaire et Vignes syndic, pour les remercier de leur hospitalité pour mes archives, celles de Labitte et de notre Chambre. Tous très cordiaux, surtout Mt Vignes que je connaissais du reste. Visité Notre-Dame, St Urbain, St Remy, etc… Revécu douloureusement des heures plus heureuses que j’ai vécues ici en septembre 1893 et décembre 1895 pour sauver les valeurs de Mme Simonnot, sauvetage que j’ai opéré à Londres dans une bande de voleurs internationaux au péril de ma vie !! Hélas c’est ma destinée, je me suis dévoué et je n’en ai été guère récompensé !! Toute ma vie a été ainsi. En visitant ces lieux j’étais bien triste… bien le cœur crevé.
M. André de la Morinerie est ici (Directeur de la Maison de Champagne Delbeck (1870-1956)), et ayant vu mon nom sur le bureau de l’Hôtel des Courriers (Grande Rue numéros 36, 28 et 30, actuellement magasin Peugeot rue Georges Clemenceau) où je suis descendu, et prié la maitresse de céans de me dire qu’il serait enchanté de me voir après dîner. La brave dame me regardait comme le Saint Sacrement en me disant : « Oh ! M. de la Morinerie m’a dit que vous aviez été admirable à Reims, aussi il veut absolument vous voir !… » C’est donc cela qu’en rentrant tout à l’heure à l’Hôtel, tous les services se mettaient presque au port d’arme sur mon passage ! Ce que c’est que la renommée !! On arriverait à vouloir me faire passer pour un héros !! Pauvre héros, qui a vécu 3 ans 1/2 sous les bombes à défendre ses compatriotes rémois, et qui est bien endolori de tout ce qu’il a vu et souffert. Hélas !! Gloire cruelle ! Héroïsme sanglant et lugubre, ce sera donc toujours mon lot !! souffrir, souffrir toujours !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Vendredi 21 – Via Crucis in Ecclesia parochiali. Reçu avis d’un chèque de 12.010 F. déposé au Secours National par Mistress Witney-Warren
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Vendredi 21 juin
Nos détachements ont pénétré dans les lignes ennemies entre Montdidier et l’Oise et dans la région du bois Le Chaume. Ils ont ramené 20 prisonniers.
Les Anglais ont exécuté plusieurs raids aux environs de Boyelles, Lens, Givenchy, et dans les secteurs de Strazeele et d’Ypres. De certaines opérations, il est résulté de vifs combats, au cours desquels l’ennemi a subi des pertes importantes. Nos alliés ont fait 18 prisonniers et capturé 3 mitrailleuses.
Dans le village de Morlancourt, un raid ennemi a été pris sous notre feu et dispersé.
L’artillerie ennemie s’est montrée active entre la Somme et l’Ancre. Au cours de la nuit, l’activité de l’artillerie s’est développée considérablement de part et d’autre au nord d’Albert et dans le secteur du canal de la Bassée.
Les Italiens continuent à maintenir ou à refouler les Autrichiens des montagnes d’Asiago à la Basse-Piave. Ils ont fait plus de 1200 prisonniers sur les pentes du Montello qui dominent immédiatement la plaine, et plusieurs centaines d’autres en différents points du front. Les troupes françaises ont contribué à en capturer.
Une insurrection a éclaté à Kiev et dans plusieurs autres centres de l’Ukraine contre le gouvernement de Skoropatsky, soutenu par l’Allemagne.
Source : La Grande Guerre au jour le jour