Louis Guédet

Dimanche 9 juin 1918

6h soir  Rien. Des lettres auxquelles j’ai répondu. Une de Madame Mareschal me disant que Lutta lui avait annoncé que les 2 ouvriers qui étaient à Reims et qu’il avait envoyé 52 rue des Capucins pour opérer le sauvetage de ce qui restait comme mobilier, cave, vaisselle, n’avaient plus rien trouvé. Tout avait été pillé et bu, le reste brisé ! Et on ne fusillerait pas ces sauvages-là, après la Guerre ?!! Allons donc ! Il faudra une loi pour établir les responsabilités, les sanctions et rendre les officiers, même généraux, responsables personnellement de tout ce vandalisme ! Rien d’autre. Journée de chaleur torride ! Je suis toujours de plus en plus angoissé, et tous ces souvenirs passés me tuent. Oh ! plutôt la mort que de semblables souffrances et tortures morales ! D’autant que je n’ai rien à espérer ! Dans les réparations de toutes ces injustices ! Tout cela n’existe que dans les livres et l’esprit de ceux qui en jouissent !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Dimanche 9 – Prêche aux Soldat à la Grand’messe. Reçu visite du Général Cadou qui m’apprend qu’une forte attaque allemande s’est produite entre Aubilly et Pargny : les Allemands voudraient s’emparer de Pargny, pour prendre de flanc en enfilade la Montagne de Reims. Ils n’ont pas réussi(3). Le 413 a reçu annonce de son départ. Visite du Général Feraud-Chanzy… à Arty et a pris part à la bataille de Fismes. Mgr Neveux est allé à Ay célébrer la fête du Sacré-Cœur…. Le Général Feraud(2) me dit qu’on défendra Reims 1° pour l’effet moral, 2° pour l’intérêt financier, 3° surtout comme base de rebondissement contre l’ennemi, si j’ai bien compris. Ca­nonnade active toute la nuit.

(1) La cote 240, qui domine Vrigny, change plusieurs fois de mains mais bloque finalement la poussée qui menaçait Ormes et Bezannes.
(2) En fait, le commandement envisage d’abandonner Reims pour reporter la ligne de défense sur la Montagne de Reims. C’est l’acharnement des généraux Petit et Mazillier qui empêchera cet abandon.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Dimanche 9 juin

Grande activité d’artillerie au sud de L’Aisne, notamment dans la région de Faverolles.
An sud-est d’Ambleny, nous avons amélioré nos positions pendant la nuit.
Au sud de l’Ourcq, nos troupes, continuant leur pression, ont réalisé de nouveaux progrès. Nous avons porté nos lignes jusqu’aux abords ouest de Dammart, à l’est de Chezy et à plus d’un kilomètre au nord de Veuilly-la-Poterie.
Nous avons fait une cinquantaine de prisonniers. Plus au sud, l’ennemi a violemment attaqué à deux reprises nos positions sur le front Bouresches-le Thiolet. Nous avons brisé ses assauts en lui infligeant de lourdes pertes.
Nos alliés britanniques ont fait des prisonniers au cours d’un raid heureux aux environs d’Houthulst. Dans le secteur de Strazeele, leurs patrouilles ont infligé des pertes à l’ennemi et capturé une mitrailleuse.
Canonnade au nord d’Albert et au sud-est d’Arras.
Les aviateurs britanniques ont détruit quatorze avions allemands et contraint huit autres appareils à atterrir désemparés. Ils ont également détruit trois ballons d’observation. Ils ont jeté vingt-huit tonnes de bombes sur les gares de Valenciennes, le Cateau, Busigny et Saint-Quentin.
Le calme règne sur le front italien.

Source : La Grande Guerre au jour le jour