Louis Guédet
Mercredi 15 mai 1918
1342ème et 1340ème jours de bataille et de bombardement
7h matin Du brouillard, le beau temps, le baromètre remonte. Mal dormi, toujours des cauchemars. Quand donc cette obsession de Reims me quittera-t-elle ? A peine endormi je me retrouve dans l’enfer que j’ai vécu durant 43 mois !! C’est fort pénible.
4h soir Très beau temps et soleil chaud. Ce n’est pas dommage ! Marie-Louise est sortie un peu au soleil, couchée sur une chaise longue. Courrier assez chargé. Bonnes nouvelles de Jean et de Robert, ce dernier ne sait s’il pourra venir à la Pentecôte. Dimanche il n’a pu aller ni à Yerres ni à Paris. On a interdit à tous ses camarades l’entrée de Paris. Retrouvé le fameux Titre de 351 F de rente 9% Landrin (à vérifier) perdu sans l’être, or c’était Dondaine qui l’avait comme je lui affirmais. Tout va bien. Pas sorti.
Nos soldats du 114e d’Artillerie Lourde partent demain. Jean nous écrit 2 mots. Lettre de Béliard qui doit être aussi de ses côtés.
Lettre de M. Champenois, son voisin menuisier de Reims, adressée à Monsieur Guédet, Notaire, St Martin-aux-Champs par Vitry-la-Ville (Marne) Affranchissement : Semeuse 15c.
En marge, mention de Louis Guédet : « Écrit et donné autorisation le 14 mai 1918 ».
Signé Louis Guédet
Le Perreux, le 12 mai 1918
Cher MonsieurComme Mr Laval vous l’a dit nous sommes rentrés ensemble pour nous rendre compte de la situation de notre pauvre ville. Et nous avons pu faire 3 wagons à l’usine. Et 1 wagon chez moi. Et déjà on a enlevé tous mes bois. Le 2 mai je me suis rendu de suite chez moi en passant par le port. Et je vois quelques dames du patronage de M. L’abbé Dage plus loin de ma voiture. Je me suis demandé comment que toutes ses affaires étaient sur le port. Je continue rue Boulard. Toutes les portes étaient ouvertes, ainsi que les persiennes. Tout éparpillé dans les maisons. Chez M. Rensard de même. Chez vous persiennes ouvertes et grande porte aussi. Que j’ai refermée, mais rouverte le lendemain. Chez moi de même. Et partout pillé. J’ai rencontré des gendarmes et je leur ai dit, mais pas de réponse. J’ai refermé chez vous. Et toujours ouvert. Le lundi un gendarme et 5 poilus sont venus enlever votre vin et toutes les bouteilles qui sortaient en étant comptées par le gendarme. Cela est sauvé. Et quand il en eu fini il dit aux poilus de fermer les persiennes et la grande porte comme moi avec des planches. Ceci est resté fermé jusqu’à mon départ le jeudi le 9 mai. M. Guédet j’ai fait une autre demande pour retourner pour continuer à faire mes déménagements que j’avais commencés. Et j’espère en faire encore d’autres si c’est possible. Mais je vois que tout est si long. Que si vous pouvez appuyer ma demande pour moi et Madame Champenois çà nous ferait plaisir.
Maintenant pour pouvoir aller chez vous il faut que vous m’envoyez une autorisation sur papier libre et approuvée de M. le Commissaire de votre quartier.
Toute notre ville est bien triste à voir. Je pourrais vous donner plus tard certains détails comme bien des choses sont passées car nous sommes restés jusqu’au 30 mars, et le 25 à deux heures de l’après-midi le pillage commençait. Cher Monsieur Guédet je vous quitte car j’ai beaucoup à écrire, Madame Champenois est avec moi pour vous présenter toutes nos amitiés.
Votre dévoué Alexandre Champenois 6, avenue de l’Orangerie Le Perreux Seine
Si nous partons pour Reims maintenant que j’ai votre adresse, je pourrai vous écrire. Et vous dire mon adresse, probablement que les lettres seront adressées au bureau de la Place.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Mercredi 15 – Service à Cumieres pour les Morts du 463e. Donne l’absoute après brève allocution. Présents au Service : Général Ders et Colonel Depieux. Visite de M. Ravaud amenant le reste du trésor de Sainte Clotilde. Visite de M. l’Archiprêtre d’Épernay, de M. le Cure de Magenta, de M. Remi. Visite de l’Aumônier divisionnaire du 463e. Visite du Général de la Division résidant à Damery (Général Breton)
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Mercredi 15 mai
Nos patrouilles, opérant au nord du bois de Hangard vers Courcy et à l’ouest de la Meuse, ont ramené des prisonniers.
Nous avons aisément repoussé un coup de main ennemi sur nos petits postes au nord-ouest d’Orvillers-Sorel.
Lutte d’artillerie assez vive en Champagne dans le secteur de la Butte du Mesnil et dans les Vosges.
Une tentative allemande au nord de la Fecht a échoué sons nos feux.
Les troupes britanniques ont réussi un raid au nord-est de Robecq et fait quelques prisonniers sans subir de pertes. Un détachement ennemi a attaqué un poste anglais près de Merville. Il a été repoussé et décimé. L’artillerie ennemie a été active pendant la nuit dans les secteurs de la Somme et de l’Ancre.
Sur le front belge, faible activité d’artillerie. Lutte de bombes vers Nieuport et Langemarck.
Les Italiens ont arrêté par leurs feux des tentatives ennemies sur le mont Corno, à Dosso Casina, au val Calcino et au val Ornic.
Des patrouilles anglaises et italiennes ont fait irruption dans le village de Pedescala, infligeant des pertes à l’ennemi.
Canonnade dans le Tonale et au nord de Montello. Onze avions autrichiens ont été abattus.
Source : La Grande Guerre au jour le jour