Louis Guédet
Mercredi 20 mars 1918
1286ème et 1284ème jours de bataille et de bombardement
10h1/2 matin La pluie. Rien à faire. Nuit mauvaise. Toujours des cauchemars. Et éveillé mes tristes pensées me reprennent et m’obsèdent. Je suis comme un corps sans âme. Je ne sais que faire, que décider. Ne voyant aucune issue à ma situation. Que faire ? Je ne puis retourner à Reims. Je ne m’en sens ni la force, ni le courage. Alors, y aller entre 2 trains ? A quoi bon ! pour y souffrir et en revenir le cœur déchiré, saignant ? C’est l’exil ! sans espoir de retour, avec toutes ses souffrances, comme si je n’avais pas assez souffert depuis 3 ans1/2 !!
6h soir Je rentre de Vitry-la-Ville où j’ai été porter mon courrier et chercher des chicons (romaines) à planter, et… j’ai rapporté des choux !! Je ne sais vraiment plus où j’ai la tête ! Tout en moi sommeille, et je vais comme dans un rêve !! Fatigue et découragement. Ces 50 malheureux choux à planter m’ont coûté 2 sous. Demain on fera prendre les 50 chicons à planter. Je ne sais plus que penser de mon état de santé et d’esprit ! Que vais-je devenir ? Tout autour de moi c’est le noir, le vide !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Mercredi 20 – + 7°. Pluie. Violent combat de 3 h. à 5 h. (heure légale). Visite de M. Camu. Expédié deuxième lettre au Cardinal Gasparri au sujet du communiqué allemand. Visite du Colonel suisse Feyler(1) qui vient à l’improviste pour visiter la Cathédrale. On lui refusa de monter aux tours. Il déclara qui il était : on lui dit de se présenter au Général, qui lui délivra la permission de visiter tout ce qu’il voulait, pour attester dans un article donné à la presse ce qu’il avait vu. Il vient me faire visite. Donné à l’imprimeur une Lettre pastorale sur le Codex juris canonice N°… Bombardement actif et par moments très intense sur batteries ? passages, etc ? Depuis 6 h. soir jusqu’à 5 h. matin (heure vraie). Nuit très bruyante.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) La neutralité helvétique, et singulièrement celle des Suisses alémaniques, fut fort teintée de sympathie pour les Empires Centraux.
Mercredi 20 mars
Dans la région de Reims, un de nos détachements a pénétré dans les lignes ennemies sur une profondeur d’un kilomètre, détruit de nombreux abris occupés et ramené neuf prisonniers.
Après une brusque préparation d’artillerie, l’ennemi a exécuté, au nord-est de , un coup de main, qui s’est brisé sous nos feux.
Sur la rive droite de la Meuse, violente lutte d’artillerie, en particulier, dans la région de la cote 344. Pas d’action d’infanterie.
Des coups de main exécutés par les troupes anglaises vers Villers-Guislain, la Vacquerie et bois Grenier, leur ont permis de faire un certain nombre de prisonniers.
Les Portugais ont ramené des prisonniers et deux mitrailleuses à la suite d’un raid sur les tranchées allemandes, à l’est de Neuve-Chapelle. Trois tentatives de coups de main, effectuées par l’ennemi à Fleurbaix et bois Grenier, ont échoué avec pertes pour les assaillants.
Grande activité de l’artillerie allemande sur les zones avant et arrière du secteur d’Ypres.
Sur le front italien, actions d’artillerie intermittentes le long du front montagneux et dans la plaine, depuis Zenson jusqu’à la mer.
Sept avions ennemis ont été abattus: deux par les Italiens, deux par les Français et trois par les Anglais. Un dirigeable italien a bombardé les voies ferrées ennemies dans le val Lagarina.
Source : La Grande Guerre au jour le jour