Louis Guédet
Dimanche 31 mars 1918
Pâques
1297ème et 1295ème jours de bataille et de bombardement
10h matin Pâques. Triste Pâques. Temps de pluie, maussade, triste, comme tout ce qui se passe actuellement. Le Capitaine Alessandri du 1er Tirailleur est un brave homme, mais fort commun, le type de l’adjudant devenu officier. Ils reviennent de Verdun où ils ont perdu beaucoup de monde. On doit les prendre aujourd’hui ou demain en camion pour les amener au front. Ils ne savent où ! Tout le 20e Corps du reste remonte vers Châlons ou la Somme. Ce capitaine nous a donné le matin du 31. Les nouvelles ne sont pas mauvaises, plutôt meilleures. L’avance allemande parait endiguée, c’est le premier acte du drame, attendons le 2d acte ! Il ne faut pas désespérer. En tout cas je suis de plus en plus convaincu que les allemands jouent leur va-tout en ce moment. Si nous sommes victorieux ce sera la fin des hostilités à brève échéance, à mon sens ! Et cependant il faudrait que nous allions chez eux pour qu’ils sentent ce que c’est que la Guerre, et se rendent bien vaincus !
6h soir Je rentre de Togny où j’ai vu chez le Docteur Lévêque le Docteur Langlet qui paraissait enchanté de me voir. Nous avons assez longuement causé de Reims. Avec lui Madame Langlet et le Docteur Lévêque. Madame Lévêque était à Gien près de Madame Guérin, femme du nouveau Procureur de la République de Châlons-sur-Marne (Marguerite Liébert (1880-1969), épouse d’Ambroise Guérin (1875-1957)). La Ville de Reims a été évacuée le 25 mars. Ne restent comme Rémois qu’Eloire, adjudant des pompiers de Reims, Marcelot, des Eaux, et Honoré, pompier. Pierre Lelarge est réfugié à Ville-Dommange, Houlon, aux environs de Paris. Les autres un peu partout, la majeure partie des évacués à Lourdes et à Nantes. Le Docteur Langlet m’a bien confirmé que c’était surtout le Général Micheler, Commandant la Ve Armée, qui a demandé et exigé l’évacuation ! Il a pris là (rayé) dont (rayé) une lourde responsabilité. On règlera cela avec lui après la Guerre. (Rayé)!
Nous devons nous revoir ! Il doit du reste me donner des renseignements sur le chiffre des bombardements subis par la Ville pour Mgr Landrieux, évêque de Dijon.
Le communiqué n’est pas trop mauvais, çà se tasse.
Lettre de Robert nous apprenant qu’il part à Fontainebleau pour passer son examen d’Aspirant. Pourvu qu’il réussisse le pauvre enfant.
Lettre de Landréat qui me dit avoir vu Honoré et Marcelot lui apprendre que (rayé) tous ces (rayé). Et dire que nous ne pouvons rien contre ces salauds-là ! Rentré fatigué.
La catastrophe de Paris du Vendredi Saint a eu lieu à St Gervais, rue François Miron, derrière l’Hôtel de Ville.
Courrier posté le 21 mars 1918 à Dijon, et adressé à « Monsieur Guédet Rue des Capucins Reims » Évêché de Dijon
Dijon, le 21 mars 1918
Bien cher Monsieur, puisque vous êtes intrépide à Reims, jusqu’au bout, vous pourriez sans doute, soit en consultant les bulletins de Police, soit par l’Eclaireur, me donner un renseignement dont j’ai besoin pour mettre au point un article sue Jeanne d’Arc à Reims sous les obus.
A la date du 6 décembre 1916, on comptait 468 jours de bombardement effectif : je voudrais savoir le chiffre actuel. On peut bien compter pour ces 16 mois, 300 bombardements de plus, mais un chiffre exact me vaudrait mieux.
Que Dieu vous garde !
Et bien cordialement
Signé † Mgr Landrieux
Joint un fascicule de 20 pages, avec couverture de couleur orangée, « La France et ses Alliés en guerre » Paroles de Témoins, de Mgr Neveux, Édition spéciale de la « Revue Hebdomadaire 8, rue Garancière Prix : 25 centimes. Se trouve collé à l’intérieur une carte de visite au nom de « L’évêque d’Arsinoë, Auxiliaire de S.E. le Cardinal – Archevêque de Reims Hautvillers (Marne) »
Joint l’ « Allocution de Monseigneur l’évêque pour le jour de Pâques », intitulé « La Paix » de Mgr Landrieux. Imprimerie Jobard à Dijon.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Dimanche 31 – Pâques. Assisté à tous les Offices. Bombes et canons à longue portée de 2 h. à 3 h. 1/2 environ.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173