Louis Guédet
Mardi 29 janvier 1918
1236ème et 1234ème jours de bataille et de bombardement
8h matin Il a fortement gelé cette nuit. Nous allons avoir une belle journée. Si seulement nous n’étions pas bombardés, mais par un temps clair il faut s’attendre à tout.
Hier Monbrun me disait que pour ne pas aller jusque chez lui, rue des Capucins, tout au bout, il déjeunait souvent à la soupe populaire installée à la Mutualité, impasse des 2 anges. Il me disait le menu d’hier qu’il avait eu et le prix de revient :
Soupe : 0,10 ; bœuf : 0,25 ; haricots : 0,15 ; pain : 0,10 ; fromage : 0,15 ; café : 0,10 = 0,85 + bière : 0,02 ou cidre : 0,30 = soit 1,10 ou 1,15 pour son repas. Ce n’est pas cher.
Je vais finir mes ficelages et je n’aurai plus qu’à attendre que mes colis partent pour Épernay. Souhaitons que ces précautions soient superflues et que nous n’ayons rien ici à Reims… ni ailleurs !!
6h soir Tous mes colis sont prêts, reste l’expédition à Épernay. Peu de courrier auquel j’ai vite fait de répondre. Lettre de Maurice, je lui répondrai demain. Après-midi à 2h je vois Beauvais à la Poste et nous filons jusqu’à St Maurice voir Raïssac. Guichard nous reçoit à l’Hospice Général et nous dit que nous ne pouvons pas voir Raïssac, que son opération a réussi, etc… Bref il faut attendre 8 jours. Nous causons et l’on…
Le reste de la page a été découpé.
…Nous décidons avec Beauvais de payer mon pari de ruban que celui-ci a perdu, mais que je paie volontiers (quelques flûtes) samedi 2 février à 5h1/4 du soir chez le Papa Condreux à « L’Homme d’osier » rue de Vesle 72 – 76. Nous avons fixé ce jour-là à cause de Lenoir qui sera dans ce petit cercle ce jour-là. Y seront Beauvais, Lenoir député, Guichard Vice-président des Hospices, Dor charcutier, Happillon rhéteur de la bande, Lieutenant Migny évacuation, Capitaine Giraud sapeur pompier de Paris. Bref le petit clan où s’élaborent et se tissent les rubans des boutonnières !! Singulier milieu, curieux, intéressant. On peut y revivre les scènes des Comités Révolutionnaires de 1793 dans leur genre, sauf qu’on n’y coupe que les boutonnières jugées indignes de fleurir.
En revenant rencontrons le Maire qui nous cause de l’adoption de Chicago et de New-York. Il voudrait cette dernière, mais la démarche Lenoir – Chevrier – Mignot pour Chicago a été une faute qui risque de faire rater tout. Le Docteur Langlet est furieux. Il faudrait raccrocher cela, mais avec lui ce n’est guère commode, il est si entêté. Il me demande d’aller le voir à la Mairie où il a un renseignement de famille à me demander. Nous nous y mettons. J’y descends et Beauvais, tout en devisant m’accompagne jusqu’à la rue Libergier où il me quitte.
A la Ville vu Houlon et j’attends le Maire en donnant consultation sur consultation à un tas de gens qui, me voyant, profitent de l’occasion au lieu de pousser jusqu’à la rue des Capucins, 52. Bref je tiens mes assises, non sous un chêne, mais dans un cellier, au milieu du brouhaha et les allées et venues de ce qui forme le cœur de la Ville. Je cause avec le Docteur Langlet de son affaire, conseil de famille de son petit-fils, etc… etc…
Je rentre ici à 5h1/2, fatigué. Demain actes et rendez-vous le matin. Après-midi je pousserai jusqu’à Courlancy voir mon expéditionnaire et ce qu’il a fait.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
29 janvier 1918 – Pendant une promenade, vu les travaux de défense en cours d’exécution dans la ville.
Les boulevards Gerbert et de la Paix, sont couverts, de chaque côté, par des fils de fer barbelés. De distance en distance, des chevaux de frise s’y trouvent disposés, prêts à obstruer entièrement tout passage. Les rues Houzeau-Muiron et César-Poulain, peuvent de même être barrées. Le boulevard Lundy et l’avenue de Laon ont un côté également garni de fils de fer et des poilus sont occupés à en poser dans les Promenades.
A 19 h 3/4, commence un bombardement en ville, par des pièces dont nous reconnaissons les détonations sonores pour les avoir déjà entendues à différentes reprises. Les explosions d’arrivées de leurs obus sont très fortes et se répercutent longuement dans le silence, par un beau temps de gelée.
Plusieurs séances semblables, au cours de la nuit.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Mardi 29 – Nuit tranquille. -1°. Beau temps. Bombardement violent sur batteries de 5 h. à 10 h., en réponse au tir de nos batteries (surtout de 7 h. à 10 h.). Toute la nuit une certaine activité.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Nous avons réussi deux coups de main sur les tranchées allemandes en Champagne.
Nos détachements ont pénétré jusqu’à la troisième ligne ennemie et ramené des prisonniers, dont un officier et une mitrailleuse.
Canonnade réciproque assez vive en Alsace, dans la région de L’Hartmannswillerkopf.
Sur le front britannique, l’ennemi a effectué un coup de main sur un des postes avancés de nos alliés près de Langemark.
Une forte reconnaissance allemande a été repoussée au sud-est du Vergnier.
Activité de l’artillerie ennemie en différents points au sud-ouest de Cambrai, au nord de Lens et dans le secteur de Passchendaele.
Les aviateurs anglais de l’escadrille navale ont bombardé l’aérodrome d’Aertryke ainsi que le dépôt de munitions d’Engel. Les objectifs, obscurcis par les nuages ont empêché les aviateurs de se rendre compte exactement des résultats obtenus. Tous les aéroplanes sont rentrés indemnes.
Sur le front italien, rencontres de patrouilles dans le Vallarsa et dans la vallée de l’Astico. Actions efficaces de l’artillerie italienne, contre les positions ennemies dans le val Frenzela et le canal de Brenta.
Activité aérienne très vive sur tout le front. Un avion ennemi a été abattu par des aviateurs anglais. Un appareil ennemi est tombé sur les pentes méridionales du Montello. Les trois pilotes dont deux officiers, ont été capturés.
Source : La Grande Guerre au jour le jour