Louis Guédet
Jeudi 10 janvier 1918
1217ème et 1215ème jours de bataille et de bombardement
8h soir Dégel général, de l’eau de la boue, mais température fort adoucie. Journée d’acharnement à répondre à mes lettres et cartes de félicitations, mais plus j’en écris plus il y en a !! Courrier à 2h après-midi, encore 80 lettres et cartes !! Je vais crier comme le Petit Rémois : « N’en jetez plus, la cour est pleine ! » Tudieu, c’est à dégouter d’être légionnaire !… A la Poste j’ai cru que les employés des Postes allaient me porter en triomphe. Braves gens, que Dieu sait ! s’ils sont héroïques… !!… Félicitations d’un tas de gens que je ne connais pas, des plus humbles mais fort touchants de la part de ceux-ci pour leur juge de Paix de Guerre. A 2h vu Beauvais, nous nous sommes donnés l’accolade, il est je crois plus enchanté que moi. Il me dit d’écrire à Lenoir, à ce moment même on m’apporte dans son bureau mon courrier ! Lettre du Ministre de la Justice Louis Nail à Lenoir qui me l’envoie avec ses félicitations en marge. Je lui réponds. De là je file à la Place. Le Capitaine La Montagne charmant me félicite et nous causons service… nous tombons facilement d’accord. Je crois que de ce côté, çà ira. Vu le papa Millet heureux de ma Croix ! Le pauvre vieux, je lui en dois un bout. Ce qu’il m’a été dévoué. Repassé à la Mairie. Vu le Maire, Raïssac, de Bruignac, félicitations, etc… de Bruignac voulait me faire une farce, mais il n’a pas pu la réaliser !! Il voulait m’envoyer une carte au nom d’un Girardot quelconque, ajoutant capitaine de Gendarmerie pour me féliciter !! Il en riait d’avance, mais il n’a pu trouver cette carte. Nous en avons ris ensemble. Rentré chez moi, abattu mon courrier ! Visite de Melle Payart et de Melle Colin, charmantes, affectueuses les braves filles.
Voilà ma journée. Je mets mon ruban à ma boutonnière pour demain, toujours, il est 8h1/4… Je pense à tous les miens, mes chers aimés, qui auraient été si heureux d’être là tous, réunis pour ce simple geste, et je suis là seul avec mes deux vieilles et fidèles bonnes, Lise et Adèle, dans un sous-sol à 2 mètres en-dessous du niveau de la rue des Capucins. C’est la Guerre ! C’est l’Inconnu.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Jeudi 10 – + 7°. Dégel et verglas. Visite du Colonel… à Pouillon et d’un officier allié à la Famille de Beaufort, fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres. Mgr Neveux indisposé.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 10 janvier
Le chiffre total des prisonniers que nous avons ramenés dans nos lignes, au cours de l’incursion effectuée au nord de Seicheprey est de 178 dont 1 officier et 18 sous-officiers.
Actions réciproques d’artillerie sur la rive droite de la Meuse, dans les secteurs de la cote 344 et de Beaumont.
Un coup de main allemand sur nos petits postes de Nomény n’a donné aucun résultat.
En Macédoine, tirs de destruction opérés avec succès par l’artillerie lourde britannique dans la région de Doiran.
Sur le front serbe et dans la vallée du Haut-Skumbi, plusieurs reconnaissances ennemies ont été dispersées.
Entre les lacs, une attaque locale sur nos tranchées a été repoussée après un vif combat à la grenade.
Vives rafales de feux au front italien, pardessus la Brenta et tirs de harcèlement à travers la Piave, entre les hauteurs de Valdesso-Viadena et le Montello.
Une attaque ennemie a été dispersée dans la région d’Asiago. Des prisonniers ont été faits dans la région de L’Asolone. Combat de bombes à main sur le Solarelo. Des mouvements ennemis ont été efficacement battus autour de Noventa.
Les Portugais ont repoussé deux fortes patrouilles allemandes en faisant des prisonniers.