Louis Guédet

Lundi 4 février 1918

1242ème et 1240ème jours de bataille et de bombardement

8h1/2 matin  Le camion militaire sort d’ici et vient d’enlever mes 8 cartons et une valise d’archives !! Pour moi c’est encore un déchirement ! Est-ce le dernier de cette épouvantable vie que je mène !! Me voilà encore plus seul, plus de papiers, plus de documents ou si peu qu’en cas de départ précipité je pourrais enlever ce qui me reste dans un sac de voyage !! me voilà donc avec quelques notes, quelques papiers indispensables, une plume et un peu d’encre !! Rien ne m’aura été épargné durant cette Guerre. Mon Dieu ! avez-vous pitié de moi !! et de ma misère !

6h soir  4/5 obus à 11h55 dans notre quartier, au-dessus de la maison, vers Clovis, 1 chez Melle Payard 40, rue des Capucins, 1 au 75, et un sur le théâtre vers en face du greffe Villain.

Audience Réquisitions à 2h, peu de monde. Rentré ici à 5h. On dit dans les rues que le Général Pétain serait ici. Que vient-il y faire ? nous amener des pillards, cela ne m’étonnerait qu’à demi, car en ce moment les sauterelles marocaines encombrent nos rues et nos ruines…  plus ou moins abandonnées ! (Rayé). En rentrant je passe chez Melle Payard, très émotionnée ainsi que Melle Colin. La pauvre fille, la seule commode à laquelle elle tenait a été pulvérisée ! C’est la veine !! Je connais cela.

Rien d’autre de saillant. Je pars toujours mercredi 9h (6ct (courant)), inquiet de laisser mon abri, sans savoir ce qu’il y adviendra durant mon absence. Quelle triste vie, sans suite, sans consistance, sans pouvoir être sûr du lendemain. Je pars, je sors d’ici et ne sais si quelques jours après, quelques heures, quelques instants après je retrouverai mon refuge intact.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Mardi 4 – Nuit tranquille. 0°. Interview Drouilly des Lectures pour Tous. Visite du Général Commandant la place de Châlons, ancien Comman­dant de Pierre-Chatel, qui a assisté à la Saint-Anthelme, l’année que je l’ai prêchée 19… et au sacre de Mgr Sevin à Belley. 3 h., quatre bombes sifflent contre avions. Visite de la Mission Espagnole. Visite du Capitaine de Cor­vette, Urbain Roquefilo, qui m’a dit que nous avions détruit 97 sous-marins allemands(1) en tout ; qu’il en reste aux Allemands 150 ou 155. Ils nous ont détruit 9 500 000 tonnes. Les nouvelles d’Italie sont inquiétan­tes(2). On commence à craindre que les politiciens d’Italie… la ruine.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) Au total, les Allemands perdront 178 sous-marins sur les 368 entrés en service pendant la guerre. Les pertes alliées de leur fait seront de 11.750.000 tonneaux.
(2) Les Italiens ont subi la cuisante défaite de Caporetto entre le 24 octobre et le 10 novembre 1917.

Mardi 4 décembre

Dans la région de Saint-Quentin et au nord du bois des Fosses, des coups de main ennemis sur nos petits postes sont restés sans succès.
Entre la Miette et L’Aisne, dans la région à l’est de Reims, et sur la rive droite de la Meuse, la lutte d’artillerie a été assez violente.
En Woëvre, après un vif bombardement l’ennemi a prononcé une attaque sur nos positions au nord de Flirey. Nos feux ont arrêté et refoulé l’assaillant, qui a subi des pertes élevées. Des prisonniers sont restés entre nos mains.
Dans les Vosges, une tentative de coup de main sur nos petits postes de la région de Violu a complètement échoué.
Les Anglais ont exécuté une opération de détail au nord-est d’Ypres. Quarante-cinq bâtiments et fortins ont été capturés sur la crête principale au nord de Passchendaele.
Sur le front de bataille de Cambrai, les troupes britanniques se sont repliées par ordre et sans intervention de l’ennemi du saillant aigu formé par le village de Masnières. Dix attaques allemandes ont été repoussées sur ce front.
Dans la région de Bourlon, nos alliés ont capturé des mitrailleuses et des prisonniers.

Source : La Grande Guerre au jour le jour

Woëvre Le camp de nos soldats