Louis Guédet
Mercredi 6 juin 1917
998ème et 996ème jours de bataille et de bombardement
4h soir Journée de chaleur torride, néanmoins de la brise. Nuit calme, ou est-ce fatigue, j’ai dormi à peu près tranquillement jusqu’à 5h1/2 du matin. Quelques lettres au courrier, dont une de Melle Marie Monce (1889-1986) qui me dit que les troupes sont consignées à Paris. Armées en manque de munitions, son Père Étienne, qui vient de s’engager il y a 1 mois est dans ces conditions, il n’a jamais tenu un fusil ! Elle s’est trouvée dans plusieurs bagarres, et elle dit que ce n’était pas drôle.
Après-midi sorti pour mes lettres, et poussé jusque chez Camuset (Paul Camuset, banquier (1852-1946)) retirer (4h1/4 parenthèse, 1 bombe proche, je ferme un volet) 200 F pour payer une note de l’Académie. Causé avec M. Paul Camuset qui lui aussi est assez découragé. Il avait visité avec l’abbé Camu la Cathédrale qui est très endommagée. Il me disait qu’on ne pouvait se figurer la masse énorme de décombres qui se trouvaient dans la nef. Il y a là, derrière le petit orgue, un 305 non éclaté. Il est d’avis que le monument ne résisterait pas à un 4ème hiver. Eté de là acheter un journal chez Michaud, puis repassé par les loges, St Jacques, et en débouchant de la rue St Jacques (rue Marx Dormoy depuis 1946), à peu près au 1/4 de la rue de Vesle, je suis frôlé par un cycliste du 1er Génie, qui descend de sa machine et m’interpelle parce que je ne me suis pas dérangé (il avait les 3/4 de la rue à lui). Je l’envoie promener, mais il s’approchait menaçant. Je l’ai menacé de l’emmener à la Place. Tout en m’injuriant, il remonte sur sa machine et partit. Voilà où nous en sommes, sous le régime des soudards. Paisibles citadins, nous n’avons même plus le droit de sortir dans les rues, encore bien moins de traverser celles-ci !! Doux pays !! Je vais receinturer mon revolver car j’ai réellement craint des voies de faits de la part de cette brute. Rentré chez moi, il était 3h1/2.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Mercredi 6 – + 19°. Nuit tranquille sauf coups de canons vers l’est. Bombardement et incendie rue Croix Saint-Marc (à Saint Jean-Baptiste de la Salle). Visite aux Halles et aux Caves Werlé, où M. le Curé de Saint- Benoît et les Sœurs du Saint-Sauveur de sa paroisse sont réfugiés. Visite de la Chapelle de la Mission, où je n’ai pas pu entrer. Bombes boulevard Lundy sur l’ancienne maison Bertrand de Mun, rue Croix Saint-Marc et quartier Saint-Benoît. 2 obus sur la maison des demoiselles institutrices libres. Bombes gros calibre à 4 h. 25 soir. Orage.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
Mercredi 6 juin
Bombardement assez violent de part et d’autre, dans la région de Braye-en-Laonnois. Au cours de la nuit, une vive attaque de nos troupes nous a rendu des éléments de tranchées où l’ennemi avait pris pied au nord-ouest de la ferme Froidmont.
Lutte d’artillerie intermittente en Champagne, plus active vers le front Cornillet et sur le Casque. Divers coups de main ennemis sur nos postes, entre Tahure et Auberive, ont échoué.
En représailles des bombardements effectués par l’ennemi sur la ville ouverte de Bar-le-Duc, les 29 et 30 mai, 7 de nos avions ont survolé la ville de Trèves, sur laquelle ils ont jeté 1000 kilos de projectiles.
Nos escadrilles ont copieusement arrosé de projectiles les terrains d’aviation ennemis de Morhanges, de Habsheim, de Frescati et de Sissonnes; 16.500 kilos d’obus ont été jetés sur les baraquements, qui ont subi des dommages importants. D’autres escadrilles ont bombardé la gare de Lumes (Ardennes), les dépôts de munitions de Warmeriville, les gares et dépôts de la région de Laon. Il y a lieu de citer encore le bombardement de l’aérodrome de Colmar, des gares de Thionville et de Dun-sur-Meuse.
Les Anglais ont repoussé des raids au sud-est de Lens et au sud d’Armentières.
Le général Broussilof remplace le général Alexeief à la tête de l’armée russe.
Source : La Grande Guerre au jour le jour