Louis Guédet
Mardi 20 février 1917
892ème et 890ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Pluie battante toute la journée, et pas un coup de canon, journée fade et fastidieuse. Fait mon topo pour demain si on me demande de prendre la parole sur la tombe de ce pauvre Lefebvre, qui est mort d’une embolie au cœur dans les bras de Blondeau (Jules Fernand Blondeau, négociant en vins de Champagne (1864-1934)), de la Maison Irroy, de Reims, beau-frère d’Émile Charbonneaux qui me le contait !…
Reçu lettre toujours cordiale du Vice-Président Bouvier qui insiste pour que j’aille les voir, et une du Procureur de la République, M. Bossu, qui me remerciait d’avoir abrité son argenterie qu’il a reçu et que j’avais en garde depuis 1914. Il me termine sa lettre en m’annonçant qu’il cesse ses fonctions le 19 courant, et qu’il a prêté serment par écrit à Bastia le même jour comme Procureur Général. Il ajoute qu’il ne m’oublie pas, et qu’il a voulu que son dernier acte comme Procureur de la République de Reims fût ma proposition à la Chancellerie pour le Ruban Rouge, et que sa lettre partait le soir même, et qu’il suivrait l’affaire de Bastia. Il m’aimait et m’estimait.
D’autre part Bouvier me disait que le Président voulait me présenter lui-même au nouveau Procureur qui arrivera commencement mars. Dieu veuille que tout cela réussisse et se passe bien et vite, car je suis bien las et fatigué et si je suis pour obtenir un Ruban qu’il m’arrive avant que je meure. Je suis si épuisé, si à-bout. Cela me remettrait peut-être et m’encouragerait surtout.
Demain je pars à 6h1/2 du matin pour Aÿ. Encore une journée fatigante et émotionnante. Je n’ai cependant pas besoin de cela.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Mardi 20 – Nuit tranquille ; + 4° ; plaques d’enduit et jointures se détachent de la voûte de la Cathédrale (suite du dégel).
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Mardi 20 février
Assez grande activité des deux artilleries dans les secteurs d’Avocourt, de la côte du Poivre et de Bezonvaux. Nos batteries ont exécuté des tirs de destruction efficaces sur les organisations allemandes au nord de Damloup.
En Alsace, un coup de main sur les lignes adverses, au Barenkopf (nord de Munster), nous a permis de faire une dizaine de prisonniers.
Le chiffre des prisonniers faits par les Anglais au cours des opérations sur l’Ancre s’est élevé à 773, dont 12 officiers. Ils ont capturé également un certain nombre de mitrailleuses et de mortiers de tranchées. L’ennemi a lancé une forte attaque contre les nouvelles positions de nos alliés sur l’éperon dominant la ferme de Baillescourt. Trois vagues successives, appuyées par des troupes de soutien, se sont portées à l’attaque des lignes britanniques : elles ont été rejetées avec de fortes pertes sans avoir pu atteindre les tranchées en un seul point.
Nos alliés ont effectué des raids heureux au sud-ouest et au nord-ouest d’Arras, au sud de Fauquissart et au nord d’Ypres. Au nord de Souchez, ils ont détruit un puit de mines ainsi que plusieurs abris garnis de troupes. Ils ont capturé un certain nombre de prisonniers.
Sur le front russe, au sud de Wichneuskoie, les Allemands ont lancé quatre nappes de gaz.
Sur le front italien, action d’artillerie et petites rencontres de reconnaissances.
Le gouvernement américain a fait mettre des mines devant plusieurs de ses ports.
Source : La Grande Guerre au jour le jour