Louis Guédet
Samedi 16 décembre 1916
826ème et 824ème jours de bataille et de bombardement
5h soir Temps gris nuageux, maussade, très froid, pluie glaciale. Je suis fortement grippé avec de la fièvre, aussi demain…
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…Tout l’avenir m’assaille !! ma femme, mes enfants, que deviennent-ils, et pas une lueur ni une lumière d’espérance poindre, et voilà 2 ans, 24 longs mois que cette torture dure. Vraiment certains souffrent trop, tandis que d’autres n’ont rien et n’ont aucune épreuve !
Je suis là seul, solitaire, abandonné, assis près du four de mon poêle, grelottant de fièvre, affalé sur une petite chaise en velours frappé de ma chère et aimée femme (que ma plume devient caressante en écrivant cela !) et je la revois heureuse, entourée de ses chers petits, devant un feu clair dans notre pauvre maison de la rue de Talleyrand, assise, accroupie devrais-je dire, devant ce bon et joyeux feu, réchauffant l’un, réchauffant l’autre. Heures de bonheur du bien-être passé, que je ne reverrai jamais. La tempête est passée là-dessus, et tout cela n’est plus que cendres et poussières, et je suis là, seul… seul, grelottant la fièvre, me demandant ce que l’avenir réserve à mes aimés ! Que je souffre encore, soit ! mais eux ? les pauvres innocents, moi qui avait rêvé pour eux fortune, bonheur, prospérité, réussite. Je croyais semer pour eux, faire une récolte abondante, et vient tout le contraire, je n’ai devant moi que ruines et désastres ! sans foyer, sans domicile, habitant un toit étranger, abandonné de tous, quoique me dévouant pour tous.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Samedi 16 – + 3°. Nuit tranquille en ville. Victoire au Nord de Verdun (1).
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) A Verdun le 15 décembre l’armée Mangin reprend pratiquement tout le terrain conquis par les Allemands depuis le 21 février, capturant 11000 prisonnier et 115 canons
Samedi 16 décembre
Après une préparation d’artillerie qui a duré plusieurs jours, nous avons attaqué l’ennemi au nord de Douaumont, entre la Meuse et la Woëvre, sur un front de 10 kilomètres.
L’attaque s’est déclenchée à dix heures. Le front ennemi a été partout enfoncé sur une profondeur de 3 kilomètres environ. Outre de nombreuses tranchées, nous avons enlevé les villages de Vacherauville, Louvemont, la ferme des Chambrettes, les ouvrages d’Hardaumont et de Bezonvaux. Nous avons fait un grand nombre de prisonniers, non encore dénombrés ; 7500 dont 200 officiers sont déjà passés par les postes de commandement.
Nous avons pris ou détruit de nombreux canons d’artillerie lourde, de campagne et de tranchée et un matériel considérable.
Malgré le temps défavorable, l’aviation a pris une brillante part au combat. Le succès est complet : les troupes témoignent d’un très vif enthousiasme : nos pertes sont légères.
Sur le front britannique, une attaque allemande contre les positions de la région de Lesboeufs a été arrêtée par les tirs de barrage. Nos alliés ont pénétré dans les tranchées ennemies au sud d’Armentières.
Les Austro-Allemands se sont emparés de Buzeu, en Valachie.
L’Entente a remis une sommation au gouvernement grec, en vue d’obtenir des réparations au sujet du guet-apens du 1er décembre et des garanties contre toute attaque. Le roi Constantin a cédé.
Source : La guerre au jour le jour