Louis Guédet
Vendredi 28 juillet 1916
685ème et 683ème jours de bataille et de bombardement
7h soir Temps splendide, quelques coups de canon. Rien de saillant. Courses, allées et venues, éreintement général ce soir. Y résisterai-je ? Notre présentation à M. Herbaux, procureur général, aura lieu dimanche vers 11h du matin. Vu l’abbé Camu, vicaire général, curé de la Cathédrale par intérim, qui les larmes dans les yeux m’appris qu’il venait de recevoir une lettre de son frère qui est resté dans les Ardennes au Chaudion (commune de Saint-Fergeux) avec sa jeune femme et ses 2 enfants qui lui annonçait qu’il était en prison dans une cellule, pas nourri, 2h de promenades, faisant des clous, sans nouvelles, condamné à un an de prison cellulaire parce que les allemands ont trouvé dans un coin du grenier de la maison de sa mère 2 vieux sabres de la Révolution !! Quel crime ! une occasion pour martyriser et laisser à l’abandon et au manque de tout une pauvre petite femme et deux jeunes enfants ! Il réclame surtout du pain !! C’est épouvantable. Rendrons-nous jamais la pareille à ces sauvages-là ! Je crains bien que non avec les gouvernants et les pleutres que nous avons ! Tout le monde en a assez et les haines, les rancœurs sourdent de partout. Gare ! quand la marmite fera monter le couvercle !
9h soir Reçu visite de l’abbé Camu, échangé nos idées sur les événements. Ils ne sont pas encourageants ni consolants. Lui aussi craint bien que nous soyons impuissants. Quand on voit comme lui et moi ce que font les officiers !! et toute la clique des embusqués !! Alors nous risquons bien de passer encore un hiver comme celui passé à Reims !! Bref, la Guerre peut durer encore des années !
En causant cet après-midi avec le Procureur de la République du Docteur Langlet, maire de Reims, il le jugeait sévèrement : Égoïste, entêté, manquant d’intelligence, jaloux de tous, de ceux qui peuvent lui porter ombrage, voulant être le seul digne de figurer à cette époque dans les fastes de l’Histoire de notre Ville. J’ai pensé beaucoup comme lui, depuis déjà longtemps. Ceux qui nous gouvernent depuis l’échelon le plus bas jusqu’au plus haut de l’Échelle Politique et gouvernementale sont de biens petits sujets de bien petites intelligences… et… sans scrupules, sans conscience… Où allons-nous ? Que deviendrons-nous ? Tel est le cri général. Dans toutes les castes, dans tous les milieux, sauf celui des jouisseurs et des embusqués ! Pauvre France !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
28 juillet 1916 – Bombardement à la même heure qu’hier et dans le même quartier. Aujourd’hui, des obus tombent rue Mennesson-Tonnelier, rue Pierret, rue Paulin-Paris et rue des Trois-Piliers.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Vendredi 28 – Répondu aux donateurs (américains ?)
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Vendredi 28 juillet
Au sud de la Somme, nous avons fait quelques progrès à l’est d’Estrées. Vive fusillade aux abords de Soyécourt.
Au nord de l’Aisne, l’ennemi, après un violent bombardement, a attaqué dans la région de la Ville-au-Bois, le saillant que forme notre ligne au nord-ouest du bois des Buttes. L’attaque a échoué sous nos feux de mitrailleuses.
En Champagne, le bombardement dirigé par l’ennemi sur nos positions a l’ouest de Prosnes a été suivi d’une forte attaque, prononcée sur un front de 1200 mètres. Arrêté par nos tirs de barrage, qui lui ont causé des pertes, l’ennemi n’a pu pénétrer que dans quelques éléments avancés de notre ligne, d’où notre contre-attaque l’a rejeté.
Sur le front de Verdun, lutte d’artillerie dans le secteur de la cote 304 et dans la région Fleury-la Laufée. Nous avons progressé à la grenade à l’ouest de l’ouvrage de Thiaumont.
Activité de l’artillerie anglaise sur tout le front. Les Allemands, de leur côté, ont recouru aux obus à gaz et aux obus lacrymogènes.
Les Russes ont élevé à 6250 le chiffre de leurs prisonniers sur la Slonovka, au nord de Brody.
L’armée turque fuit en désordre à l’ouest d’Erzindjan.
Des contingents turcs viennent en Galicie au secours des Autrichiens.
Source : La Grande Guerre au jour le jour